Année B : Christ-Roi (litbo34d.24)
Jn 18, 33b-37 : homme pour les autres.
Les mots humains, quand ils sont appliqués à Dieu, se révèlent piégés, faussés, inadéquats. On parle du Tout-Puissant, mais Jésus naît sur la paille et meurt sur une croix. Aujourd’hui nous le disons roi, mais l’évangile le présente prisonnier, bientôt exécuté. Le pape Jean XX111 observait qu’on a [tellement] revêtu Jésus de tant de vêtements plus beaux les uns que les autres, qu’on ne voit plus Jésus. Il faut enlever tous ces vêtements, un à un, pour retrouver Jésus.
Ce qui m’impressionne beaucoup chez Jésus, c’est l’absence radicale du souci de s’imposer, la renonciation totale de tout contrôler et de provoquer la guerre pour détruire ceux qui le haïssent. Jésus n’a aucune ambition politique ou religieuse. Quand après la multiplication des pains la foule se met à sa recherche pour le proclamer roi, il s’enfuit au désert (Jn 6, 6).
Contrairement à un roi puissant, Jésus n’a jamais préféré les sièges d’honneur, porté des vêtements d’apparat. Il n’a jamais moralisé la foule qui l’écoutait avec plaisir (Mc 12, 35-37) ni désiré la mort de ses ennemis. Il fut l’homme pour les autres (Bonhoeffer). Et c’est cela qui me donne envie de m’engager à vivre comme lui.
Cette fête solennelle nous fait contempler que son royaume n’a pas besoin d’un petit roi pour régner sur les autres. Il aurait été plus juste de nommer cette fête, celle de l’humilité de Dieu. Charles de Foucault disait que Jésus a pris la dernière place et personne ne pourra la lui reprendre. Jésus n’a jamais prêché sur l’humilité. Sa vie fut une prédication permanente d’une vie humble. Nous ne savons plus comment nous pencher assez bas reconnait un rabbin questionné sur le Dieu d’Abraham[1].
Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur (Mt 11, 29). Jésus ne dit pas : apprenez de moi à jeûner ; apprenez de moi le mépris du monde ; apprenez de moi à faire des sacrifices. Après avoir lavé de ses mains les pieds des disciples, il leur dit : savez-vous ce que je viens de faire ? (Jn 13, 12).
Tellement puissant ce regard humain de Jésus sur Pilate qu’il a voulu le libérer. Tellement puissant et inhabituel cette attitude de Jésus d’être l’homme pour les autres, de ne pas se défendre comme le font tous les criminels, qu’il a ébranlé le tout-puissant Pilate. Il s’est senti menacé par quelqu’un de non menaçant. Tellement puissant ce regard de Jésus sur Zachée que lui, voleur détesté, s’empresse à le recevoir chez lui. En lui (Lc 19,5). Il donna la moitié de ses biens aux pauvres (Mc 19, 8).
Ce qui a ému aux larmes François d’Assise, c’est de comprendre que Jésus, tout riche qu’il était, s’est fait pauvre à cause de nous (2 Cor 8, 9). Jésus appartient à cette lignée de personnes que n’a rien et possède tout (2 Cor 6, 10). C’est cela la royauté de Jésus. Jésus n’écrasait personne. Sa manière d’être homme pour les autres, séduit et donne le goût de vivre comme lui.
C’est cette manière de vivre de Jésus, d’être rédempteur des captifs, qui le fait roi. Durant toute sa vie publique Jésus s’est épuisé à construire la plus belle version de l’humanité pour reprendre la magnifique expression de Tony Estanguet lors de la cérémonie d’ouverture des JO de Paris 2024. Il a jeté les bases d’une fraternité universelle. Il a humanisé les relations entre nous.
Que retenir de cette fête ? Ne soyons pas des petits-rois qui dominent, imposent, mais des rois à la manière de Jésus. De rois de l’amour, du service. Des rois comme le bon samaritain qui s’arrêtent pour offrir leur aide, qui savent percer les nuées pour observer que se bâtit lentement le ciel sur la terre. AMEN
[1] L’Écriture Sainte et l’engagement social de l’Église | La Civiltà Cattolica (laciviltacattolica.it)
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