Année A : Dimanche de la 11e semaine ORDINAIRE (litao11d.23)
Mtt 9, 36 -10,8 : vivre en profondeur
Nous confessons que l’Église est apostolique. Qu’est-ce que cela veut dire ? Le mot a changé plusieurs fois de sens. On entend souvent ce mot comme opposé à celui de contemplatif. Au cours des siècles, le mot a été « confisqué » pour s’appliquer aux missionnaires, à ceux qui recevaient un ministère ordonné. Pour éviter la confusion malheureuse entre les personnes ordonnées et non ordonnées, entre le clergé et les laïcs, le pape François dans sa lettre-programme la joie de l’Évangile utilise le mot disciple-missionnaire.
Matthieu parle d’envoyés avec comme seule consigne : semer la vie. Quand Jésus exprime que je suis venu pour qu’ils aient la vie et la vie en abondance, il n’a jamais précisé de quelle vie il s’agissait. Il faut en comprendre qu’il s’agit de la vie intégrale, humaine et spirituelle.
Jésus envoie semer de la vie partout. Introduire de la vie dans la société en prenant soin des besoins des autres. En fréquentant les gens, les côtoyant, Jésus saisit vite que les gens qu’ils rencontrent, écoutent, éprouvent un quelque chose de plus que leur besoin matériel, que leur besoin de santé, que leur seul pain quotidien. Ce quelque chose de plus, la vie en abondance, c’est de posséder une vie intérieure nourrissante.
Actuellement, un fossé inquiétant se creuse entre le progrès technique et notre développement spirituel. À plusieurs égards le progrès qui est bon en soi a tué la vie intérieure. Beaucoup vivent perdus, incapables de trouver un sens à leur vie. Beaucoup vivent en constante agitation, plongés dans une activité intense, mais vide intérieurement et sans savoir exactement ce qu’ils veulent.
Saisi de compassion, Jésus envoie rencontrer des gens « malades » qui ont besoin d’être guéris, des « morts » qui ont besoin de résurrection, des « possédés » en attente d’être libérés de leur dépendance, des gens désemparés et abattus, des gens qui, au fond, veulent vivre à nouveau. Ils veulent être guéris et ressuscités, pouvoir rire à nouveau et affronter les événements quotidiens avec joie.
Jésus envoie des accompagnateurs pour ressusciter une vie intérieure, étouffée par une recherche de gloire tout extérieure. Il y a peu d’ouvriers pour cela. Il envoie toucher ce qui est invisible à l’œil nu, rejoindre les souterrains de la vie, écouter ce qui surgit des profondeurs. La proximité de Jésus avec tout le monde indique comment faire : cela commence par la disponibilité à rencontrer l’autre et à se laisser interpeller par son inquiétude [...] à se mettre à leur écoute […] en refusant des réponses prêt-à-porter.
Ce travail de rejoindre les gens dans leurs profondeurs, de les rencontrer, de les écouter, de se tenir sur le parvis du sanctuaire intérieur de leurs cœurs, de marcher avec eux sur leur route, de les laisser exprimer leurs souffrances, leur colère aussi, n’est pas facile. Rejoindre la vie en profondeur des gens n’est pas facile.
Edith Stein (sœur Thérèse Bénédicte de la Croix) observe qu’on se trouve étrange lorsque l’on vit avec des gens qui ne voient que la surface des choses. Un monde infini s’ouvre d’une manière absolument nouvelle lorsque l’on commence à vivre vers l’intérieur et non vers l’extérieur. Déjà au milieu du siècle dernier, Bernanos observe qu’on ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si l’on n’admet pas d’abord qu’elle est une conspiration universelle contre toute vie intérieure.
S’adressant à des leaders des religions mondiales et traditionnelles, le pape redit l’importance de savoir voir en profondeur. Il cite un de leurs poètes : Adai nous provoque avec une question perpétuelle : quelle est la beauté de la vie, si l’on ne va pas en profondeur ? [1]. Il poursuit et cela rejoint le message de l’évangile d’aujourd’hui, nous n’existons pas tant pour satisfaire des intérêts terrestres et pour tisser des relations de seule nature économique [mais] pour marcher ensemble, comme des voyageurs le regard tourné vers le Ciel. Amen.
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