Année A : samedi de la 1ière semaine du CARÊME (litac01s.23)
Mt 5, 43-48 ; Dt 26, 16-19 : parfaitement imparfait.
Quel désastre. Nous ne sommes pas parfaits. Nous possédons tous ce diplôme universitaire d’être parfaitement imparfait. Nous sommes des diplômés de l’imperfection. C’est plus qu’un doctorat honorifique. Et puis, la perfection risque de nous ennuyer, nous faire sentir comme des robots. L’imperfection est inséparable de toute vie humaine. S’offusquer de s’entendre énumérer nos erreurs ou lacunes, c’est refuser d’avancer.
Dans l’évangile, nous faire progresser est l’axe principal de l’agir de Jésus. Ce qui importe à ses yeux est de voir nos petits poids d’oie posés jour après jour pour avancer vers du meilleur. L’imperfection est la voie royale pour devenir bon. C’est un chemin de bonheur, un sacré combat de toute vie. Nous avons « du pain sur la planche » avant d’être parfaits comme le Père est parfait (cf. Mt 18, 48). Nietzsche avait raison de dire que les chrétiens sont faibles. Jésus ne nous demande pas d’être naïfs. Il nous veut en marche.
Je n'ai certainement pas atteint mon but, je n'ai pas atteint la perfection ; mais je m'efforce de courir pour le vaincre, car moi aussi j'ai été vaincu par le Christ Jésus (Ph. 3, 12). Teilhard de Chardin répétait qu’il n’y a jamais eu de monde parfait. Paul évoque un chemin de perfection qu’il décrit en trois mots : entraînement, discipline, motivation.
S’entraîner à devenir meilleur. Il s’agit d’un effort constant, d’un combat quotidien (cf. 2 Tm 4, 7). Il faut se former à être meilleur en acceptant de ne pas cacher ses erreurs. Dans le sport, le travail de l’entraîneur est de faire voir les erreurs pour assurer une meilleure garantie de victoire. L’athlète ne devient pas meilleur en ne s’appuyant que sur lui-même.
En régime chrétien, ce chemin de devenir meilleur se vit en mode synodal avec Jésus, avec les autres. Si nous ne laissons pas les autres ou la parole de Dieu nous montrer ce qui est moins que parfait en nous, nous ne pourrons pas devenir meilleur. Il faut constamment être accompagné pour passer de la méchanceté à la bonté, de l’égoïsme à la charité qui ne cherche pas son intérêt (cf. 1 Co 13, 5), qui ne cherche pas ce qui est à soi.
Il n’y a pas de façon plus subtile de rechercher ses propres intérêts que de s’imaginer que les intérêts du Christ coïncident avec les nôtres. En tout temps, en toute saison, nous devons mener une vie semblable à celle de ce temps du carême, c’est-à-dire recentrer sur Jésus, l’entraîneur chef de nos vies, dans l’attente joyeuse de Pâques. C’est ensemble, en mode synodal que nous faisons carême, que vous faites ici le vœu de rechercher ensemble, en communauté, de devenir un peu moins imparfaite.
Discipliner nos vies pour passer de ce qui nous semble meilleur à ce qui nous est suggéré par l’entraîner. Le vrai sportif essaie toujours d'apprendre, de grandir, de s'améliorer. Cela demande de la discipline, cette capacité de se contrôler, de corriger l'impulsivité, de s’auto-croire capable seul d’améliorer sa performance. La discipline permet de passer de ce qui nous importe à ce qui intéresse Jésus. Et ce qui intéresse Jésus, c’est en réalité le centuple de ce qui nous importe. Jésus veut nous voir accéder à une autre sagesse que celle du monde : tendre la joue, aimer nos ennemis
La motivation est cette force intérieure qui dépasse la recherche de résultat pour viser seulement de demeurer en chemin.
Le piège qui nous guette est de désirer devenir meilleur, d’accroître notre performance par nos propres forces, de ne compter presque exclusivement que sur nos talents.
Jésus appelle le chrétien à sortir des règles de convenance : ne pas répondre au mal par le mal, oser dans le bien, risquer dans le don, même si nous recevons peu ou rien en retour. Dépouillons-nous de la logique humaine et revêtons la sagesse de Jésus. Retenons cette question de Jésus, qu’est-ce que vous faites qui est extraordinaire (Mt 5, 48). Il ne suffit pas de rester dans l’ordinaire pour vivre comme Jésus. AMEN.
Ajouter un commentaire