Année A : samedi de la 20e semaine du temps ordinaire (litao20s.23)
Mt 23, 1-12 – transparence, un mot dangereux.
Un mot aujourd’hui est sur toutes les lèvres. Un mot éthique, un mot engagement, un mot redoutable : transparence. Rien n’est plus dangereux qu’une pensée désincarnée, qu’un dire sans faire. Nous avons tous à des niveaux différents le complexe de Caïn, celui de cacher les faits réels, de se cacher. Nous nous glorifions de parler mieux que nous vivons (Guerric) alors que seuls, dit un proverbe polonais, sont respectés ceux qui tiennent parole.
En chacun de nous, il y a ce cynisme qui consiste à s’engager à tout communiquer sans rien communiquer. À tout dire du Dieu en qui nous croyons, sans pour autant exprimer qui il est. Notre manière d’être croyants est teintée par les logiques du paraître. Du phylactère. D’une double vie. Dans une société où le complexe du paon (pape François) érige en priorité le culte de l’apparence, Jésus promeut l’attitude du faire voir Jésus en nous (mère Térésa). Nous pouvons avoir une connaissance élevée des choses de la foi. Notre manière de la vivre a souvent les apparences d’une sorte d’égoïsme spirituel.
En paroles, nous disons que nous voulons servir Dieu et les autres, mais en fait nous servons notre ego, nous cherchons à bien paraître, à obtenir de la reconnaissance[1]. Nous pouvons travailler fort pour le Dieu de notre religion sans jamais rencontrer Dieu. Cela est scandaleux.
Dire et faire est un chemin qui n’est pas sans obstacle. Lorsque dire et faire s’harmonise et est vécu en plénitude, le message devient puissant. Libérateur. Dangereux. Pour avoir unifié sa vie, Jésus a risqué la mort. Dans les récits évangéliques, écrits près de cinquante ans après sa mort, Jésus apparaît moins religieux, mais plus transparent et cette transparence devenait insoutenable. Paradoxe, quand Jésus dit clairement qui il est, le doute demeure. Vous ne me croyez pas. Croyez les œuvres que je fais (Jn 10,38).
Sommes-nous de beaux parleurs de Dieu et des petits faiseurs de son évangile ? C’est ce divorce qui entraîne à l’athéisme. J’aimerais le christianisme si ce n’étaient des chrétiens disait Nietzsche. Le cardinal Martini reconnaît en 2008 l’existence de ce divorce : je ne me préoccupe pas tellement de la visibilité du chrétien parce que je pense que si le chrétien vit le sermon sur la Montagne, il est visible[2].
C’est à cette profondeur que se trouve la transparence si recherchée aujourd’hui. Quand tu auras chanté avec ta voix, tu te tairas ; chante avec ta vie de manière à n'être jamais silencieux (Ps 146,1). Annoncer Jésus, c’est de faire passer nos paroles par le cœur. Par la vie.
Si je comprends bien notre évangile ce matin, j’en conclus qu’il vaut mieux ne pas croire que d’être un faux croyant. Malheur à celui qui a le cœur double (Eccl 2, 14). Songeons à la parabole d’un homme qui a deux fils. Le oui de l’un est un non, le non de l’autre est un oui (Mt 21. 28-32). La révolution Jésus est de vivre radicalement et authentiquement. La transparence, c’est l’autre nom de l’évangélisation[3].
Chacun de nous est ombragé par une personne illusoire, par un faux moi en recherche de visibilité. C’est tout ce que nous prétendons être et pensons être. C’est la fierté, l’arrogance, le titre, le costume. La transparence fait voir en nous un diamant précieux qui transforme notre faux moi au sien, qui, dit saint Paul, nous cache avec Christ en Dieu (Col 3,3). AMEN.
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