Année A : dimanche de la 29e semaine ORDINAIRE (Litao29s.23)
Mt 22, 15-21
Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. Peu de paroles de Jésus auront été citées plus souvent que celles-là. Aucune n’a été plus déformée et manipulée, à cause d’intérêts complètement étrangers au Prophète défenseur des pauvres. Pour Jésus, il n’y a pas deux mondes : celui d’en haut et celui d’en bas. Il n’y a pas un monde supérieur à un autre. Il n’y a pas de mur entre les deux. Aujourd’hui, pour la majorité d’entre nous, le monde d’en haut est un mythe.
Attention à ce que nous comprenons de cette réponse de Jésus. Jésus ne dit pas qu’une moitié de la vie, matérielle et économique, appartient à la sphère de César et l’autre moitié, spirituelle et religieuse, à la sphère de Dieu. Il ne dit pas que nous vivons écartelés entre deux mondes. Jésus ne pense pas à Dieu ni au César de Rome comme deux pouvoirs pouvant exiger leurs droits, chacun dans son propre domaine.
Jésus se positionne : il n’est pas au service des César ni même au service des dieux. Au temps de Jésus, il y avait plusieurs querelles sur le sens de Dieu. Hérodiens, saducéens ou pharisiens avaient des positions différentes sur Dieu. Il refuse de préférer les biens d’en bas ou ceux d’en haut. Jésus se positionne au service de la vie.
Ce qui est le plus important pour Jésus, c’est la vie, pas la religion. Et pour lui, nous sommes des effigies de Dieu. Tellement des effigies à protéger que toutes les activités de Jésus est de redonner du lustre à l’image et ressemblance de Dieu que nous sommes. Il redore l’image de Dieu en nous en prenant position pour tout le monde, celui des malades, celui des impurs, ceux portant de lourds fardeaux. Jésus se fait proche de ceux dont la vie est fragilisée, menacée ou précaire, afin d’éveiller en eux une vie plus pleine. Il se préoccupe de la vie concrète des paysans galiléens. La première chose dont ces gens ont besoin, c’est de vivre, et de vivre dans la dignité.
Évitons de recevoir la réponse de Jésus comme un commentaire négatif sur le monde. Je ne les retire pas du monde. Ce serait mal comprendre la réponse de Jésus que d'y voir une condamnation de l'autorité d'en bas, des César de tous les temps. Jésus ouvre les regards de ses interlocuteurs sur une autre vérité, plus profonde : en nous, il y a aussi une vie intérieure qui mérite notre attention. La réalité est que nous portons plus attention aux réalités extérieures, à l’extérieur de nous, qu’à celle de notre vie intérieure.
Paul nous donne le profil de cette vie intérieure : rendre grâce, nous souvenir de notre foi, la nourrir, maintenir une vie de charité. À l’effigie de César, il faut ajouter l’effigie de l’image de Dieu que nous sommes. Il y a les droits des César, il y a aussi les droits de Dieu. Être en Dieu et dans ses affaires ne coïncident pas toujours. Nous sommes plus préoccupés de nos affaires que de la vitalité de Dieu en nous. Vivre enraciné en Jésus sans jamais nous déraciner de désirer toujours plus Dieu en nous. Nous avons notre citoyenneté dans les cieux (Ph. 3, 20-21). En nous réside les deux extrêmes, appel divin et mondanité.
Se « gargariser » d’être chrétien tout en multipliant les astuces pour payer moins d’impôt, en mettant en place des structures de collusion (Lc 16, 9-15), s’accentue quand diminue la perte du sens de Dieu, de notre appartenance en qui nous avons la vie, le mouvement et l’être (Ac 17, 28). En perdant ce sens de Dieu, nous engendrons une culture où l’on devient malhonnête dans les moindres choses (Lc 16, 10).
Bref, il faut vivre avec un cœur brûlant de charité et les deux pieds enracinés sur la terre. Quand on place au centre de nos vies César, il n’y a plus de place pour Dieu ni pour l’autre. Nous devenons incapables d’aimer. Et la médecine moderne appelle cela la maladie la syllogomanie où les objets nous possèdent plus que nous les possédons et qui finissent par prendre toute la place. AMEN.
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