Année A : samedi 23e semaine du temps ordinaire (litao23s.23)
Lc 6, 43-49 : le solide, c’est vivre ensemble.
À l’approche du prochain synode sur la synodalité, l’évangile nous fait entendre et comprendre que le secret pour bâtir sur du solide est notre capacité de partager ensemble notre foi. En vivant ensemble, le roc ne peut défaillir, ne peut s’effriter malgré les tempêtes, les fortes vagues qui ébranlent notre foi. Le roc, c’est la communion entre nous. Notre solidité, c’est la fraternité, la sororité, ce lieu théologique (vita consecrata) où nous faisons l’expérience de Dieu et d’où retentit une symphonie de communion.
Symphonie signifie jouer ensemble pour faire entendre un cantique nouveau (Ap. 14,3). Dans la symphonie, les instruments jouent ensemble, s’harmonisent pour mieux faire rayonner la beauté de la musique. Une symphonie n’est pas et ne sera jamais quelque chose d’immuable. Des mises à jour de son exécution qui nous tiennent en mouvement sont nécessaires. Ici, vous nous faites entendre en vivant ensemble, non l’une à côté de l’autre, une symphonie rayonnant la joie et la beauté d’être une petite plante dans la vigne du Christ.
Quelle symphonie que la dernière parole de Jésus chez Jean! Que tous soient un (Jn 17,21). C’est une parole forte, digne de foi et qui mérite d’être accueillie sans réserve (1 Tm 1, 15). Ce n’est pas un conseil parmi d’autres, c’est la pierre angulaire, le roc qui évite de bâtir sur du sable mouvant. Notre foi est non une doctrine, mais communion. C’est plus que de faire équipe. Trois mots expriment cela : proximité, compassion et tendresse. De ce roc communion vient tout réconfort (2 Co 1,3). Qui cherche ce roc-communion ne manquera d’aucun bien (Ps 34,11).
Ce vivre ensemble en mode synodal, vous le vivez ici dans vos rencontres communautaires. Ce n’est pas facile. Nous avons tous nos petits côtés mesquins de domination. Ce n’est que lorsque nos racines sont profondément enracinées dans le roc de communion, de la contemplation que nous portons de beaux fruits et que nous évitons l’effondrement quand surgissent les tempêtes. Il est facile de se disperser quand la vie ne s’appuie pas sur du solide et se bâtit sur du sable mouvant (Christus vivit # 179).
À l’heure des textos, le danger est très réel de vivre côte à côte sans jamais se rencontrer. Vivre ensemble en mode synodalité, formant communauté, formant Église sans niveler nos différences, nos sensibilités, exige que nous soyons parabole de communion. Voyez comme ils s’aiment. Le sociologue Mendel décrit notre monde comme cinquante-quatre millions d’individus sans appartenance. Le roc solide de toute vie ensemble est dans le cœur. Les hommes regardent l’apparence, mais le Seigneur regarde le cœur (1 S 16, 7).
Jésus envoie ses disciples deux par deux diffuser, ensemencer un esprit de communion. Personne ne suit Jésus de façon privée. Paul atteste cela en citant plus de 43 noms de co-auteurs avec lui dans ses lettres[1]. Jésus nous a dit une seule chose qu’il a répétée sous différentes images et paraboles : demeurez ensemble dans mon amour (Jn 15,9), marchez ensemble même dans les difficultés. Un des mots rocs du pape aux jeunes à Lisbonne : marchez, et si on tombe, on se relève… un chrétien qui reste immobile est malade.
Il faut nous laisser irriguer par cette sève précieuse qui anime depuis dix ans l’évêque de Rome qui demande à l’Église de rechercher un vivre ensemble. En Mongolie où les chrétiens sont largement minoritaires, le pape déclarait que toute religion est appelée à "se mesurer" en fonction de l’altruisme[2]. Citant Bouddha, il ajoute : le sage se réjouit dans le don, et c’est par là seulement qu’il devient heureux. Qu’il n’y est plus ni juif, ni grec, ni personne de supérieur, d’inférieur. Bernard de Clairvaux répétait : malheur à celui qui est seul. S'il vient à tomber, il n'aura personne pour le relever (Qo 4,7), mais un frère qui aide son frère est comme une forteresse (Pr 18,19).
Au sein du Peuple de Dieu, il n’y a pas de chrétiens de première, deuxième ou troisième catégories[3]. Ces prochaines semaines exigeront de nous un profond regard contemplatif pour voir en profondeur plutôt que de regarder en surface le mystère de l’Église. Adorer, c’est savoir s’arrêter pour commencer à voir (Thomas Merton).
[1] Marguerat Daniel, Paul de Tarse, l’enfant terrible du christianisme, Seuil, 2023.
[2] https://www.vatican.va/content/francesco/fr/speeches/2023/september/documents/20230903-mongolia-incontro-ecuminter.html
[3]- Pape François, lettre aux Chiliens en mai2018.
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