Année A : samedi 4er semaine pascale (litap04s.24)
Jn 14, 7-14 : détachement et attachement
Nous venons d’entendre le chemin privilégié par Jésus pour faire grandir en nous la passion pour l’évangélisation : être dans le Père et le Père en nous. Reconnaissons qu’il s’agit d’un appel explosif. Il faut mâcher cette déclaration que je vis dans le Père et le Père vit en moi. Elle appelle un mouvement de détachement et d’attachement : détachement de soi pour s’attacher à l’essentiel.
Dans ce nous, il y a les joies et les peines du monde. Il y a un appel à « faire corps » avec la Parole pour ensuite « faire corps » avec les injustices qui déshumanisent notre société. Il s’agit bien d’une manière de vivre pour bâtir son royaume. Jésus a fait corps avec son Père et avec nous pour lancer un grand projet d’humanité, son royaume.
Ce chemin, être dans le Père, appelle à une décentration de soi, un détachement de soi, de tout ce qui nous empêche de nous attacher à une Présence, de réveiller en nous une Présence invisible, mais réelle, toujours à risque d’être oubliée parce qu’attacher à nos personnes plutôt qu’à l’essentiel.
Le regard du théologien polonais Tomas Halek même s’il reconnaît l’importance de changer des structures, d’en discuter, porte sur une autre réforme, renaître de l’intérieur, celle que me semble privilégier l’évêque de Rome. Nous avons besoin de recentrer notre vie sur celle du Père ! De vivre comme Jésus qui vivait dans le Père et le Père en lui.
Certains appellent cela la spiritualité du lâcher-prise. Chaque fois que nous lâchons prise sur soi, sur une Église qui a toujours fait comme ça, nous nous retrouvons dans un espace plus large, moins étouffant, dans une union plus profonde, une communion plus profonde avec la vision du Père pour une terre neuve.
Il s’agit de vivre dans le Père, de poursuivre en Lui les œuvres d’humanisation dont parle Jésus. Sans cette manière de vivre, sans ce détachement de nos manières toutes centrées sur soi, sans oser des chemins nouveaux, une parole neuve, nous risquons de nous attacher aux mauvaises choses, en particulier à notre propre image de soi et notre désir de sécurité.
Le monde a besoin d'évangélisateurs qui lui parlent d'un Dieu qu'ils connaissent et qui leur est familier (cf. EN # 76). L'homme contemporain écoute plus volontiers les témoins que les maîtres [...] ou s'il écoute les maîtres, c'est parce qu'ils sont des témoins (cf. EN # 41). Dans ses catéchèses sur la passion pour l’évangélisation, l’évêque de Rome revient sans cesse sur la nécessité de transmettre ce Dieu qui se fait vie en moi.
Jésus nous veut être l’âme du monde, comme l’affirmait au deuxième siècle la lettre à Diognète. Il nous veut non pas vivre dans un bunker-Église (Tomas Halik), mais évangile comme lui, serviteur des marginaux, serviteur agissant au nom de son Père, fondement de notre être. Au plus profond de nous-mêmes se cache une union qui est déjà présente, attendant d’être réalisée, vécue et partagée, écrit le mystique Maître Eckhart. Le plus grand péché de l’histoire est de croire qu’il est facile d’être dans le Père (Tomas Halik).
À votre contemplation. Être dans le Père, demeurer dans l’amour, est un long travail, jamais complété dont l’architecte est l’Esprit qui habite en nous. C’est une mission, aimer, nous aimer les uns les autres comme Jésus. Notre vie de croyant, de chrétien sera toujours une vie d’écoute du Père, de le chercher, de se tromper, de se reprendre. N’oublions pas que ce récit des Actes qui s’adresse à chacun de nous : j’ai fait de toi la lumière des nations pour que, grâce à toi, le salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre (cf. Ac 13,47).
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