Année B : samedi de la 3ière semaine Avent
Lc 1, 57-66 : parle-moi sans mot.
Parler de Jean-Baptiste, de sa naissance, est comme parler de quelqu’un qui nous amène à voir quelque chose de beau qui nous laisse sans mot. Au retour d’un voyage, je suis toujours étonné d’entendre des gens être sans mot devant la beauté de ce qu’ils ont vu. Un couple visitant un glacier m’exprimait avoir perdu le souffle devant l’immensité de ces neiges éternelles et la pureté de l’air qu’il respirait. Il était sans mot.
Devant ce que nous amène à entrevoir Jean-Baptiste, les mots de la poétesse innue Joséphine Bacon sonnent juste quand elle écrit dans son recueil une fois de plus (2023), parle-moi sans mot/ j’aurai un silence à t’offrir. Se taire est parfois la meilleure des paroles, en plus d'ouvrir l'espace pour faire mémoire. Devant cette fête qui vient, garder le silence est plus parlant que la parole.
Le silence est transmission de l’inexprimable et les mots en trahissent la profondeur. Nous entrons dans le week-end du silence qui ouvre sur l’inimaginable, l’inexprimable. Zacharie en a perdu la voix. Et le Verbe s’est fait chair. Il s’est fait humain. Au fond, cette naissance pose la question de transmission. On s’inquiète beaucoup actuellement de la transmission de la foi. C’est oublier qu’un gène inaltérable est en nous dès notre naissance. C’est en racontant ce gène aux autres qu’on en perpétue l’héritage.
Jean-Baptiste relie deux testaments. Son mouvement de conversion est une mise en marche vers nos racines profondes. Indéracinables. En reconnaissant Jésus, il lâche prise sur la prétention tout humaine de se croire indispensable. Il annonce un « plus de vie » qui sera toujours une expérience d’humanisation en profondeur et une divinisation de nos vies. Il inaugure un autre mode de regard que de porter attention au visible.
Ce qui nous manque pour reconnaître au milieu de nous celui qui fêtons en ces jours de grande réjouissance, c’est une carence de contemplation. Contempler Noël est quelque chose de plus profond que nos mots. Nous pouvons parler de Noël sans être imprégnés par la profondeur historique de cette naissance. Nous nous sentons plus à l’aise avec l’extérieur, le visible qu’avec l’intérieur, avec la parole qu’avec le silence. Parle-moi sans mot, j’aurai un silence à t’offrir.
Ce silence dont parle la poétesse ne se trouve pas uniquement dans des lieux de silence. C’est un état de cœur, écrit Catherine de Hueck, une disposition à vivre immobile et paisible (Élisabeth de la Trinité) par l’intérieur même dans le bruit étourdissant et l’agitation qu’engendre ce temps de Noël. C’est au sortir d’une longue période de désert, de silence que Jean-Baptiste a reconnu Jésus.
Mon appel ce matin : nos paroles sur celui qui vient ne transmettent rien si elles ne prennent pas forme en nous dans le silence. Devant cette naissance historique, savoir que nous ne savons pas est la seule attitude possible. Celui qui vient est au-delà des mots, au-delà de la preuve, au-delà de toute sorte de certitude rationnelle. Si nous comprenons ce qu’est la naissance de Jésus, sa pauvreté, c’est parce que nous n’avons rien compris. Présumer que nous savons est dangereux. Il y a une arrogance de savoir et de penser que nous savons ce qu’est Noël.
Aux gens derrière moi, je leur lance un appel. Prenez la porte étroite du silence, prenez le temps de faire silence, entrez dans un silence d’adoration et vous transmettrez aux générations le vrai sens du mystère de Noël. Le Dieu de Noël n’est pas un Dieu distant, statique, un éternel menaçant, il est et c’est le cœur du cœur de la foi chrétienne, le plus bel amant du monde qui nous courtise pour nous demander, disent les Pères de l’Église, si nous voulons danser avec lui et si nous acceptons qu’il danse avec nous. AMEN.
Évangile:
Année:
Pérode:
Date:
Lundi, 18 décembre, 2023
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