Année A – mercredi de la 2e semaine AVENT (Litaa2me.22)
Mt 11, 28-30 – l’amour originel, un fardeau léger.
Nous assimilons souvent la religion à un effort, un ensemble d’obligations. Notre génération a été formatée sur la culpabilité, le péché, la confession, à un Dieu redoutable œil qui était dans la tombe et regardait Caïn (Victor Hugo). C’était un poids lourd à porter et la raison qu’évoquent plusieurs pour s’en distancier. Il y a peu de temps, tout était vu comme obligation sous peine de péché grave. Le temps de l’Avent nous présente un autre angle, fardeau léger, celui de l’amour originel.
Jésus nous offre clairement quelque chose d’autre à vivre. Il vient questionner notre image d’un Dieu méchant si nous ne sommes pas gentils avec lui, d’un Dieu poids lourd sur nos épaules. Il vient nous dire que son amour originel ne nous impose rien. Suprême étonnement, il nous veut des engagés, des responsables pour réaliser son rêve d’humaniser le monde. Quel programme enthousiasmant que celui-là ! Ce qui dépend de nous, c’est de nous tenir prêt à faire notre possible pour passer d’une vie repliée sur soi à une vie axée sur la fraternité. Cela ne devrait pas être reçu comme un fardeau écrasant.
Isaïe avait entrevu cela. Les yeux des aveugles s'ouvriront, les oreilles des sourds se déboucheront, les membres des humains ne seront plus boiteux, estropiés, diminués ou limités et les voix des muets se feront de nouveau entendre (cf. Is 35,5-6). Ce sera la fin des tyrans, l’extermination des moqueurs (cf. Is 29, 29). Le loup habitera avec l’agneau, le veau et le lionceau seront nourris ensemble (cf. Is 11, 6).
Aux yeux d’Isaïe, ce qui est lourd à porter vient de notre fausse compréhension de Dieu. Le prophète s’efforce de faire entrevoir un Dieu qui se verra dans les humains qui s’efforcent de vivre en humain. Il entrevoit que celui qui viendra annoncera un monde nouveau où personne ne fera de mal ni ne détruira (cf. Is 65,25). Pour nous engendrer à ce monde, Jésus se fera humain. Son regard relèvera les opprimés. Sa vision suscitera des foules à le rechercher. Il viendra nous sauver, dit le langage traditionnel, de l’esprit d’un Dieu dominant, écrasant, juge suprême au regard hautain. Qui n’espère pas d’un monde différent et meilleur ?
Ce qui est léger à porter, c’est de réaliser que Jésus vient écouter nos questions avant d’y répondre. Il nous propose de l’aider à humaniser le monde en portant sur nos actions un regard de miséricorde. Changement de perspective, il veut que nous menions une vie non axée sur l’amour du monde ni de ce qui est dans le monde. L’esprit du monde est à ce point lourd que nous tombons dans la déprime, l’angoisse. Surgi alors la question : à quoi bon d’espérer quand réapparait le recul planétaire des droits humains, la barbarie, la guerre froide, les dictatures des régimes théocratiques ?
L’esprit de Jésus nous fait aplanir la route qui est en avant de nous. En nous. Il nous libère du poids de l’incroyable, d’un Dieu incroyable, favorise la bonne entente. C’est l’arrivée - ne l’apercevez-vous pas ? - d’un humanisme authentique au milieu d’un environnement de rivalité, de haine. Il nous fait naître de l’eau et de l’Esprit (cf. Jn 3,5). La question n’est plus à quoi ça sert, mais est-ce que je me sens responsable à réaliser le rêve de Jésus, son royaume ?
Ce qui est léger à porter est de vivre l’expérience des disciples de Jésus qui ont saisi qu’il n'était pas comme chacun d'entre nous, égocentrique, défectueux, décevant, qu'en lui un nouveau et merveilleux genre d'humains est né, une nouvelle création, parce que pure expression de Dieu.
Ce qui est léger à porter est que pour parler de Dieu comme l’a fait Jésus, pour incarner Dieu comme Jésus l’a fait, notre vie doit passer de la peur à la confiance, de l’oppression à la liberté, de l’agression au bien, du jugement à la compréhension.
C’est ce Jésus-là qui émouvait aux larmes le Poverello à Noël et non celui de l’union des deux natures ou de l’unité de l’hypostase de notre Credo. Le Jésus de François était un riche devenu pauvre, dépossédé de tout. Il suspend à notre cou un joug léger à porter, celqui qu'Augustin appelle la charité. AMEN.
Ajouter un commentaire