Année C : samedi de la 1re semaine du CARÊME (litco1s.22)
Mt 5, 43-48 ; Dt 26, 16-19 : la philosophie de Jésus : nous tenir en éveil.
Pour être parfait, si cela est possible, il faut que nous soyons absolument vidés de tout ce qui n’est pas humain. Dès qu’il se met en route sur sa terre natale, Jésus appelle ses compatriotes à plus d’humanisme. C’est en descendant de la montagne que Jésus lance une sorte de manifeste (Benoit XV1) des droits inaltérables à être aimé, qu’il édicte sa philosophie de la vie qui l’accompagne sur la route de l’annonce de sa miséricorde et qu’il adresse à tout humain, quelle que soit sa race, sa couleur, sa culture, sa religion.
Un philosophe allemand, Peter Sloterdijk, a bien compris toute la profondeur et la nouveauté de cet appel quand il y voit un nouveau code de combat impliquant le souci de l’ennemi, une éthique civilisatrice des conflits[1]. Ce code ouvre sur la civilisation de l’amour, sur une créature nouvelle (Cf. 2 Co 5, 17).
Jésus se fait éveilleur d’une révolution, celle de dépasser la loi du talion et de regarder même nos ennemis comme des personnes humaines. Aujourd’hui, l’œil pour œil se porte bien. La haine se porte bien. Des comportements inhumains font la une de nos mass-médias. Bien avant Jésus, Bouddha prêchait que la haine n’est pas apaisée par la haine, mais par la bonté.
Nous sommes assez âgés pour savoir que nous pouvons défaillir en route. La plus grande entreprise du monde est celle d’éviter de déshumaniser nos vies. Et il n’y a pas d’âge pour commencer à l’humaniser. Au vieux Nicodème, Jésus lui dit une parole incroyable : nul, s’il ne renaît d’en haut (Jn 3, 5). Il lui parle de changement, de changement incessant qui dérange et déjoue tous les plans de cet homme pourtant respectable. Ce même Jésus invite à travailler tant qu’il fait jour. La nuit viendra, où nul ne pourra plus travailler (Cf. Jn 9, 4). Ainsi, tant que nous en avons le temps, pratiquons le bien à l’égard de tous (Cf. Ga 6, 10).
L’appel de Jésus ouvre sur ce qui devrait nous émerveiller, la beauté d’être pleinement humain. On n’a jamais fini d’apprendre ce qu’est vivre en faisant du bien. Jésus s’est fait humain. Il a vécu en humain. Il a montré comment vivre en humain au milieu de nos opposants. On ne comprend pas cet appel par l'intelligence, mais avec la vie (Tolstoï).
Alors que nous sommes témoins d’un effroyable penchant à la vengeance, la parole de Dieu en ouvrant ce carême, déchire nos inconsciences paresseuses, notre humanité endormie (Gérard Bessière). Elle éveille en nous des capacités inconnues, fait surgir un monde divin, son Royaume. Cet appel répare nos tissus de vengeance et de haine et trace un chemin pour être parfait comme notre Père céleste (Cf. Mt 5, 48).
Jésus nous sort de la logique casuistique et ses calculs. Il nous rend capables de pratiquer le métier de Dieu pour faire briller son soleil sur les bons et sur les méchants (Cf. Mt 5, 45). Pardonner n’est pas suffisant. Jésus va plus loin, très loin : aimez vos ennemis (Cf. Mt 5, 44) et ajoute Luc, bénissez ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous traitent mal (cf. vv. 27-28). Cela ne nous vient pas spontanément. Notre attitude première et instinctive est de les disqualifier, de les discréditer, de les maudire, de les ‘‘diaboliser’’ pour mieux se justifier. Dans ce moi je vous dis, il nous exhorte à être protagonistes du bien et protagonistes dans le bien.
Ce message de Jésus et nous avons tendance à oublier cela, fut annoncé dans un monde en proie à une violence extrême dont il fut victime, lui qui a passé en faisant le bien (Cf. Ac 10, 38).
Je conclus par ces mots très forts du pape au Caire : Pour Dieu, il vaut mieux ne pas croire que d’être un faux croyant (ne pas faire carême plutôt que vivre un faux carême). L’unique extrémisme admis pour les croyants est celui de la charité. […] il ne vaut pas la peine de prier, si notre prière adressée à Dieu ne se transforme pas en amour du frère ; beaucoup de dévotion ne vaut pas la peine, si elle n’est pas animée par beaucoup de charité ; il ne vaut pas la peine de soigner l’apparence, car Dieu regarde l’âme et le cœur et déteste l’hypocrisie[2]. Amen
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