2022-C-Mt 25, 31-46 -jour des morts- Télescope Jésus

Année C : mercredi de la 31^e semaine ORDINAIRE(litco31me.22)     

Mt 25, 31-46 :  télescope Jésus.   JOUR DES MORTS  

Je vous offre ces mots d’un grand poète Abai que citait le pape lors de sa rencontre avec les leaders religieux du monde en septembre dernier : quelle est la beauté de la vie, si l’on ne va pas en profondeur[1].  Ce jour des morts appelle à jeter un regard en profondeur sur la vie.

Alors que les récentes découvertes du télescope James-Webb révolutionnent toute compréhension de l’Univers en nous plaçant en présence d’un grand récit qui échappe à l’oeil, ce jour des morts révolutionne à jamais notre compréhension de la vie. Ce jour parle de naissance, de renaissance, de victoire contre la mort elle-même. Il porte le « oui » de Dieu à la vie et son « non » à la mort. Nous ne sommes pas des démiurges (des dieux créateurs) mais des mortels, ajoute le poète. Ce jour nous fait entrer dans une nouvelle manière de vivre. Sans vision, le peuple meurt (cf. Pro 29,18). J’avais faim, j’avais soif, j’étais nu, prisonnier (cf. Mt 25).

Le télescope Jésus nous fait entrevoir un nouvel âge de la vie qui est plus fort que la mort qui n’aura jamais le dernier mot dans l’histoire. Il permet de regarder l’avenir avec de nouveaux yeux. Pour ceux qui éprouvent un besoin pathologique de nouveauté, d’attirer l’attention, cette mémoire des morts les concerne.

Ô mort, où est victoire ? Le dernier ennemi qui sera détruit, c’est la mort… pour que Dieu soit tout en tous (Cf. 1 Cor 15, 25). Voici, je fais toutes choses nouvelles (cf. Ap 21.5). Ce sont des mots télescopes qui nous font voir au loin, très loin. Des mots subversifs qui bouleversent notre mental habituel. Des mots qui nous déracinent.

Tout au long des évangiles, nous entendons des témoins dire : jamais personne n’a parlé comme cet homme (cf. Jn 7, 46). D’où prend-il ces informations ? D'où est-ce qu'il vient ? N’est-il pas le fils de Joseph ? (cf. Lc 4, 22). À maintes reprises, cet homme appelle ceux qui ont des yeux pour voir, qu'ils voient, ceux qui ont des oreilles, qu'ils entendent. (Cf. Mt 13,13)

En toute logique, Jésus fait surgir le non-dit qui se vit au fond des cœurs. Il veut que les gens voient ce qu’il voit, vivent en vivant avec ses yeux à lui. Ouvre mes yeux aux merveilles de ton amour. Change ton regard et la vie renaîtra. Un jour nouveau commence, reçu de toi, Père (hymne de Laudes). Apprends-nous la vraie mesure de nos jours, que nos cœurs pénètrent la sagesse (Cf. Ps 89). Ce sont des paroles-télescopes qui donnent une nouvelle vision à nos regards. Nous sommes faits pour vivre.

Les hommes, même s’ils doivent mourir, ne sont pas nés pour mourir, mais pour commencer, observe la philosophe juive Hanna Arendt[2]. Pour elle, naître est un miracle quotidien. J’ai horreur de lire dans les avis mortuaires cette formule presque païenne : J’ai la tristesse de faire part du retour à Dieu. Cela voudrait dire que sur terre, nous sommes séparés de Dieu et que nous retournons à lui à notre mort.

Les paroles-télescopes de l’évangile se vivent ici et maintenant et pas demain. Les béatitudes de Jésus sont au présent. La mort n’est ni une coupure, ni une tristesse. C’est le début d’un « nouvel âge », du « grand récit » de la vie évoquée par Jésus. Je suis la vie. Il y a l’âge dur du quotidien où baigne violence et sang versé. Notre humanité crie l’arrivée d’un autre âge, l’arrivée de l’âge doux qui dissipe toutes les puissances de l’âge dur[3]. Je ne meurs pas, j’entre dans la vie, disait sainte Thérèse de l’enfant Jésus.

Devant cet âge doux, cet au-delà de la mort, la sagesse humaine appelle à demeurer dans le « non-savoir » plutôt que de tout savoir. Un grand penseur et croyant, Maître Eckhart, dit que la raison ne peut jamais saisir l’océan insondable de Dieu.

À votre contemplation, ces mots qui donnent sens à cet âge dur de notre quotidien : il y eut un grand ouragan, si fort qu’il fendait les montagnes et brisait les rochers,[…,] Yahvé n’était pas dans l’ouragan […] Après le feu, le bruit d’une brise légère. Dès qu’Elie l’entendit, il se voilà le visage avec son manteau, il sortit et se tint à l’entrée de la grotte. Alors une voix lui parvint qui dit […] va, reprends ton chemin (cf. 1 Roi  19, 11-13). AMEN.