Année C : samedi de la 2e semaine ordinaire (litco02s.22)
Mc 3, 20-21 : L’autre voix.
Jésus ne passe pas inaperçu. Quand il s’arrête quelque part, on accourt vers lui. Chaque épisode des évangiles nous présente un Jésus qui se fait proche des gens qu’il croise sur son chemin. C’est sa préoccupation première. Son environnement est loin d’être pacifique. Il y a des sadducéens, des pharisiens, des esséniens, des zélotes, des baptistes qui se disputent une « clientèle ». Un petit groupe détient tous les pouvoirs. L’occupant romain impose des impôts qui écrasent les gens, les leaders religieux répriment au nom de la loi les « distants ».
Même s’il n’a aucune chaire officielle pour diffuser sa vision de la société et pour questionner l’autorité des leaders religieux, Jésus est un homme recherché tant il fascine et répond à des attentes millénaires. Marc écrit que l’admiration que lui portent les gens inquiète même sa propre famille (Cf. Mc 3, 21). Les gens simples le recherchent. Les gens en autorité aussi le recherchent pour l’épier tant il perturbe leur compréhension de la loi. Aujourd’hui, nous dirions : d’où est-il sorti celui-là ?
Ce matin, en relisant ce bref passage de l’évangile, il est facile d’en déduire que Jésus attire parce qu’il n’a pas la langue dans ses poches, comme on le dit aujourd’hui. Il ne parle pas une langue étrangère, celle des érudits et celle de nos homélies, qui n’est pas entendue des gens ordinaires. Jésus ne parle pas en langue, n’utilise pas un langage diplomatique, il parle et cela est très différent, la langue des autres. Les Actes rapportent que Jésus parle une langue universelle. Chacun le comprend, peu importe sa culture, sa scolarité, son degré d’érudition (Cf. Ac 2, 3).
Jésus parle le langage des autres parce qu’il est un grand contemplatif des autres. Il sait se mettre à leur écoute, déceler leurs besoins en ce moment précis de leur vie (Cf. EG # 154). Chacune de ses prises de parole invite à descendre un peu plus en eux sans exiger une réponse complète, faute d’avoir parcouru tout le chemin. Jésus met en route les gens qui l’écoutent (Cf. EG # 153).
Ce qui est fascinant chez Jésus et Marc atteste cela en ouverture de son évangile, c’est sa grande humanité, sa grande capacité empathique, libératrice. Sa manière lucide et courageuse de s’approcher de toute sorte de monde, des purs comme des impurs, soulève beaucoup d’opposition. Jésus ne craint pas pour sa vie, seulement pour celle des autres, comme l’atteste son attitude libératrice devant les exigences du sabbat.
Jésus est écouté parce qu’il ne tient pas un nouveau discours religieux, un discours sur Dieu, sur l'homme, sur le monde, un nouveau discours qu'il s'agirait d'assimiler […]. Il est la voix qui se lève en nous par-delà toutes les voix qui parlent et qui font du bruit, par-delà tout ce qui la fait taire. C'est l'autre voix[1].
La plus impressionnante des guérisons de cette autre voix est celle de donner la parole aux gens. Quelle source d’inspiration à l’heure où le peuple de Dieu est « autorisé » à prendre la parole sans aucune restriction, à marcher ensemble, à exercer pleinement l’une des plus belles et riches affirmations du Concile : son sacerdoce baptismal. Pour Jésus, chaque humain est potentiellement lumière du monde à ne pas être mis sous le boisseau (Cf. Mt 5, 14).
Pourquoi tant d’engouement à son endroit ou d’inquiétude pour les siens ? Une réponse parmi tant d’autres : Jésus redonne la parole aux gens. Cela fait autorité. Si les chrétiens qui se sont éloignés de l’Église ces dernières années connaissaient directement le Jésus des Évangiles, ils ressentiraient à nouveau ce que Pierre a exprimé un jour : Seigneur, vers qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle (Cf. Jn 6, 68).
À votre contemplation : Jésus continue à fasciner non pour ses titres glorieux qui risquent d’être des obstacles pour découvrir le mystère de cet homme, mais parce qu’il est l’un d’entre nous, avec une intensité d’exception (Stanislas Breton). Sa grande humanité, son combat à la sueur de son front, son empressement à redonner la parole demeure les piliers de son royaume. Cassons nos mots, nos vieux mots dogmatiques qui ne « parlent » plus, vivons, marchons, faisons route ensemble en vrai mode synodal et Jésus sera à nouveau « bien » venu chez nous. AMEN
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