Année C : samedi de la 31e semaine ORDINAIRE (litco31s.22)
Lc 16, 9-15 : la maladie du Windigo.
D’après une légende très ancienne, l’homme, rapporte l’encyclopédie canadienne, devient un Windigo après que son esprit soit corrompu par la cupidité. Personne, rapporte la légende, ne peut le contrôler. La médecine moderne appelle cette pathologie la syllogomanie : les biens nous possèdent plutôt que de les posséder.
Les premiers récits des missionnaires canadiens du Père Le Jeune en parlent comme un possédé par un esprit diabolique. Il ressemble drôlement à cette scène biblique de Jésus et du possédé de Geresa. Légion est mon nom (Cf. Mc 5, 1-20). Personne n’a pu le contrôler.
Quand je lis cette parabole de Jésus, je me retrouve devant ce type d’humain très répandu aujourd’hui, possédé par la maladie du Windigo, celle des richesses trompeuses qui se manifeste par la consommation à outrance, par la maladie de « manger » les autres. Si les biens matériels et l’argent deviennent le centre de la vie, ils nous happent et nous rendent esclaves (tweet du pape du 29/10/13).
En nous, réside les deux extrêmes, adhérence au monde et l'appel divin. Nul ne peut servir deux maîtres ou bien il haïra l’un et aimera l’autre, ou bien il s’attachera à l’un et méprisera l’autre (Luc 16, 13). Nous faisons souvent tout à moitié : un peu de prière, un peu de charité, une bonne pensée par-ci, un geste par-là. La vie chrétienne ne sera jamais oscillement entre l’une et l’autre.
Tout le génie de l’évangile se trouve là dans ce renversement des valeurs. Pour Jésus et c’est non monnayable, ce sont le regard et le geste portés vers les pauvres qui comptent et non le degré de dépossession de nos superflus, de nos biens envers eux. Jésus ne condamne pas la possession. Il conteste notre asservissement à s’en faire des amis trompeurs.
S’adressant au chapitre carmélitain[1], le pape observait que rester en Dieu et rester dans ses affaires ne coïncident pas toujours. Se soucier de mille choses au sujet de Dieu sans s'enraciner en Lui ( cf. Lc 10 , 38-42), nous présente tôt ou tard la facture : nous réalisons que nous l'avons perdu en chemin. L’esprit de Jésus entre en confrontation frontale avec l’esprit Windigo, des richesses trompeuses. Dans une économie Windigo comme dans une vie syllogomanie, le message libérateur de Jésus ne passe pas. Il devient un message parmi les autres.
À la question que vais-je faire, la parabole du gérant habile vous indique, ici, pour vous éviter la maladie du Windigo, de vivre plus à l’intérieur qu’à l’extérieur, d’aller vers ce centre le plus profond dont parle Jean de la Croix. Quand ce choix s’affaiblit, tout perd de sa saveur. Le silence devient insupportable. Les autres, ces minorés des béatitudes, n’existent plus non parce qu’ils ne sont pas là, simplement parce qu’ils ne sont pas vus.
La psychologie confirme ce qu’affirme Jésus : il y a plus de joie à donner qu’à recevoir (cf. Ac 20,30). Voilà le chemin que l’habile gérant a découvert pour ne pas perdre la face. Celui qui aime Dieu le cherche dans les pauvres (cf. Mt 25,31-46), les frères de Jésus.
À votre contemplation : il nous est demandé : rends-moi compte de ta gestion, de ta manière de vivre. Jésus nous assure que si nous allons vers un nous toujours plus grand, nous éviterons à la tiédeur de glisser dans nos vies, à la routine de prendre le dessus. Laissons-nous dévorer par Dieu plutôt que par l’esprit de consumérisme de notre temps. AMEN.
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