Année C : mercredi de la 1re semaine ordinaire (litco01me.22) 12 janv
Jean 15, 9-17 ; 1 Th2, 2-8 : Marguerite Bourgeois, une poètesse sociale.
Des mots reviennent régulièrement dans les discours du pape : sors, laisse-toi envahir par l’émerveillement, refuse la paralysie de la normalité, sors de toi-même pour t’unir aux autres (EG #8), sors de ton confort (EG #20), se donner un esprit de l’élargissement (Grèce, déc.2021). Le pape répète constamment qu’il ne privilégie pas une stratégie de la reproduction, mais une stratégie missionnaire de sortie (Christoph Theobald)[1]. Pour le pape François, annoncer l’Évangile ne consiste pas à attirer les gens à nous, cela s’appelle du prosélytisme, mais à aller loger chez eux pour y développer l’apostolat de l’oreille. Sortir, décentrement, désappropriation de soi sont les mots-clés d’une spiritualité évangélique.
Il faut du courage pour refuser la tentation de se contenter de rester tranquillement dans nos structures, dans nos maisons et nos églises, dans nos sécurités données par les traditions. Récemment, il appelait les jeunes à l’audace d’aller de l’avant, de ne pas photocopier les autres. Personne n’est une photocopie de l’autre. Nous sommes tous originaux. C’est quand nous voulons imiter les autres, que nous voulons faire les choses que les gens font, que les autres font, nous devenons des photocopies[2].
L’Église du Québec fait mémoire aujourd’hui d’une femme, Marguerite Bourgeois, dont la vie ne fut pas une photocopie d’un(e) autre. Personnalité tellement forte et dont la foi transportait les montagnes, l’histoire rapporte que sa traversée en haute mer d’une durée de sept mois, que son courage à affronter les intempéries, ont tellement impressionné les marins qu’à leur arrivée à Ville Marie, le Montréal d’aujourd’hui, ils étaient changés comme le linge qu’on met à la licive. Quelques années plus tard, elle les embauche dans la construction de la première chapelle Notre-Dame du bon secours. Telle fut le commencement chez nous de celle qui deviendra en 1982 la première sainte canadienne.
Le centre de sa vie fut une réponse à la question ouvrant le livre de la Genèse : où est ton frère (Cf. Gn 4, 9) ? Pour elle, sa foi la poussait non pas à demeurer dans le temple, mais chez les gens, à montrer à une autre culture très différente de la sienne, à une autre génération, qu’elle les aimait. Femme de visitation, marchant en hâte vers les autres, elle a inventé un nouvel humanisme. Elle a privilégié le style de Jésus, celui de l’hospitalité de tout le monde. Au nom de sa foi, dit l’oraison, elle a quitté son pays pour former la jeunesse à la vie chrétienne. Elle a trouvé, dit la lecture, dans le Dieu de sa foi pleine assurance pour annoncer, au prix de grandes luttes, l’Évangile de Dieu (1 Th2,2).
Elle a vu la misère autour d’elle, misère intellectuelle des enfants, et elle a trouvé de nouveaux alphabets (pape François) pour leur annoncer Jésus. Aux immenses besoins, elle a répondu en agissant sur des choses minimes. Pour elle, les moyens faibles s’avéraient plus efficaces que les moyens forts, comme l’exprime Saint-Paul sans sa première lettre aux Corinthiens. Marguerite Bourgeois fut une poètesse sociale pour citer le pape François, tant elle a eu le courage de créer de l’espoir.
À votre contemplation : Dieu vivait en elle et elle vivait en Dieu. Son désir de Dieu est sans faille. Sa foi était un incessant voyage vers l’a(A)utre. La crise de la foi aujourd’hui est liée à notre manque de désir de Dieu. Nous sommes à la recherche de nous-mêmes, fixés sur nos besoins, sur ce que nous mangerons et de quoi nous nous vêtirons (cf. Mt 6, 25). Je nous repose la question que le pape posait dans son homélie sur l’épiphanie. Nos paroles et nos rites déclenchent-ils dans le cœur des personnes le désir d’aller vers Dieu ou bien sont-ils une “langue morte” qui ne parle que de soi et à soi-même ? Et la vie de Marguerite Bourgeois nous oblige à nous demander : ma foi est-elle au garage ou en chemin ? AMEN
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