Année C : mercredi de la 5e semaine de PÂQUES (litcp05me.22)
Jn 15, 1-8; Ac 15, 1-6 : tailler les pousses folles.
Toutes les images pour dire notre foi sont des images qui nous poussent en avant de nous. Des images qui tracent un chemin d’itinérance, d’exode, un chemin pascal. Celle de la vigne ne fait pas exception. La vigne n’est pas une image derrière nous, elle trace un chemin en avant de nous. Ce chemin qui fait voir que la beauté d’être communauté, d’être communion repose sur la profondeur de son enracinement. Il serait faux de comprendre cette image comme un discours dogmatique, moralisant. Ce langage-là n’est pas celui de Jésus.
L’image de la vigne porte nos regards sur sa beauté. Durant la saison des vendanges, rares sont ceux qui ne sont pas émerveillés devant la beauté des fruits et du patient travail d’émondage des vignerons. Tellement « parlante » cette image que la bible l’utilise sous différentes formes, plus de 440 fois, pour attester que la beauté, c’est la maison d’Israël (cf. Is 5,7).
Cette beauté repose sur des racines profondes. Un poète écrit tout ce qu’a l’arbre de fleuri lui vient de ce qu’il a sous terre. Ce sont les racines qui communiquent la vie que les branches reçoivent. La beauté des fruits prend naissance dans la terre où elle est plantée. Le progrès ne signifie pas de se couper des racines, mais repose sur la préservation de sa mémoire pour éviter la sécheresse. C’est l’attachement des branches, leur communion avec leurs racines qui font voir de beaux fruits.
L’attachement, ce mot si honni aujourd’hui, est incontournable pour bâtir sur du solide. Pour bâtir la maison commune. La communion est souvent réduite aux apparats de l’harmonie, à une pseudo bonne entente ou encore au leurre d’un vivre ensemble qui nous détourne d’affronter des conflits. La véritable communion est celle qui ne crucifie pas l’Esprit de Jésus qui appelle à devenir artisans, tisserands d’harmonie non par stratégie, mais par l’Évangile[1], qui n’étouffe pas la sève évangélique qui monte de nos profondeurs.
En recevant début avril des représentants aborigènes du Canada, le pape leur exprime sa reconnaissance pour leurs luttes à préserver leurs racines, à demeurer attachés à leur tradition. Vous avez traversé plusieurs saisons et avez également été soufflé par des vents forts. Vous vous êtes fortement ancrés aux racines, que vous avez maintenues fermes. Et ainsi vous continuez à porter du fruit, parce que les branches ne s’étendent vers le haut que si les racines sont profondes[2].
Cette image de la vigne nous libère de la tragédie de nos fixations sur les résultats pour préférer enraciner nos vies sur du solide. Le paradoxe, aujourd’hui, est qu’on n’aime pas être attaché et pourtant nous avons beaucoup d’attachements : Smartphone, Facebook,Twitter, Instagram de ce monde. Nous vivons en attendant de passer à autre chose, la tragédie du déracinement avec des AirPods enfoncés dans les tympans, emprisonnés dans du virtuel, du 2D, pour être certain de ne pas voir les perce-neiges qui sortent de nos terres dévastées ni d’entendre murmurer à nos oreilles une brise légère.
Nos vies laissent souvent voir des fruits avariés, résultat de la superficialité de nos racines. Dans son homélie lors de la messe chrismale 2022, le pape parlait de l’idolâtrie cachée qui nous guette. Nos yeux voient plus facilement le résultat empirique. Ils s’arrêtent sur le pragmatisme des chiffres, l’amour des statistiques qui sont nos idoles cachées[3]. Longue est la liste des raisons des fruits avariés. C’est stérile aussi. L’image de la vigne invite à réfléchir sur la qualité de notre « connexion » à Dieu. C’est notre intimité avec Lui qui nous fait voir des bourgeons qui, eux, n’entrent pas dans nos statistiques. Des fruits avariés démasquent nos alliances idolâtriques avec les résultats plutôt que de simplement semer à tout vent.
Pour conclure des questions : qui nous regarde, trouve-t-il en nous de la beauté, celle d’être uni à Jésus ou voit-il seulement des fruits potentiellement avariés ? Sommes-nous toujours et en tout lieu le bon parfum du Christ (cf. 2 Co 2, 15) ? AMEN.
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