Année C : mercredi de la 4e semaine de PÂQUES (litcp04me.22)
Jn 12, 44-50 ; Ac 12, 24 – 13, 5 : vivre caché en Dieu.
Nous venons d’entendre une riche définition de ce qu’est l’intimité. Celui qui me voit, voit celui qui m’a envoyé (v. 45). Il s’agit d’une disparition mutuelle de l’un dans l’autre sans confusion non plus. Plus l'intimité est grande avec quelqu'un, écrit Robert de Langeac, reconnu comme le Jean de la Croix français, plus j'arrive à me dépouiller de moi pour être avec l'autre[1]. Paul en parle comme d’une vie cachée avec le Christ en Dieu (cf. Col.3,3). Ce n’est plus moi qui vis, mais c’est le Christ qui vit en moi (cf. Ga 2,20). Marie est le modèle de cette « disparition » en Dieu sans confusion non plus.
Aujourd’hui, ce besoin de sortir de nous-mêmes parce que nous avons besoin les uns des autres[2], parce que personne ne se sauve tout seul[3] s’exprime par les mots de complicité, de connivence, de proximité, entendus comme un accord inconditionnel entre deux personnes. Sans l’exprimer clairement, Jean nous invite à nous illuminer mutuellement tout en sachant que ce n’est jamais facile de laisser entrer quelqu’un dans son monde intérieur, dans son jardin secret. Si je te dis qui je suis, vas-tu m’aimer comme je suis ?
Pour Jésus, il est indispensable de vivre quelque chose d’intense, d’intime avec le Dieu de sa foi, avant de nous en indiquer le chemin. Jésus confirme qu’il vit « perdu » dans le Père, qu’il est dans le Père. Il se voyait comme un pauvre qui a tout reçu de quelqu’un d’autre. Rien de ce qu’il disait ne lui appartenait. Il partage ce qu’il reçoit. Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement (cf. Mt 10,8). Il ne cache rien à ses apôtres. Il leur donne tout ce qu'il a, tout ce qu'il est. Il veut qu’il connaisse ce qu'il connaît, qu’il voit ce qu'il voit, qu’il j'entende ce qu'il entend, qu’il devienne fils de Dieu comme lui. Tout ce que j'ai appris de mon Père, je vous l'ai fait connaître (cf. Jn 17,26). Telle est l'intimité à laquelle il invite ses apôtres. Qu’il nous invite.
Jean écrit ce qu’il a vécu avec Jésus et qui il est pour lui. Ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons, à vous aussi, afin que vous aussi, vous soyez en communion avec nous (cf. 1 Jn, 1, 3).
Charles de Foucauld, désormais saint Charles de Foucauld, a compris cela quand retournant à Beni Abbès le 3 novembre 1906, il écrit à sa cousine malgré ma longue absence, on se souvient de moi et on est en confiance avec moi ; moi je n’existe pas, mais c’est le marabout, comme on m’appelle, c’est-à-dire le religieux chrétien[4] qui existe.
Vivre de la manière de Jésus avec son Père, c’est immigrer de soi, plutôt que de se replier sur soi ; s’oublier, se désoccuper de soi-même plutôt que de privilégier ses besoins ; irradier Dieu. Ce chemin n’est pas facile. Il n’est pas un chemin d’anéantissement de soi. Il est à conquérir chaque matin et conduit à mener une vie marabout, à vivre en état d’illumination d’un autre. Les premiers chrétiens n’hésitent pas à parler du baptême comme un état d’illumination de Dieu en nous.
Nous agissons comme Jésus, nous sommes de vrais fils de Dieu, nous sommes des marabouts (Charles de Foucauld) quand nous montrons que nous sommes conduits, que nous vivons de par l’Esprit de Dieu (Rm 8, 14). C’est plus exigeant que de nous épuiser à faire apprendre les formules de notre Credo qui ne disent plus rien aujourd’hui.
Retenons-en terminant ces mots toujours actuels de Jean Chrysostome : il n’y aurait nul besoin de parole, si notre vie brillait ; pas besoin de mots, si nos actes témoignaient. Il n’y aurait pas de païens, si nous étions vraiment des chrétiens. AMEN.
[1] Robert de Langeac, si quelque m'aime, vives flammes, hors-série, pp74-82.
[2] https://www.vatican.va/content/francesco/fr/speeches/2021/march/documents/papa-francesco_20210306_iraq-incontro-interreligioso.html
[3] Lettre encyclique Fratelli tutti, n. 54
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