Année C : mercredi de la 19e semaine ORDINAIRE(litco19me.22)
Jn 12, 24-26; 2 Co 9, 6-10 : Saint-Laurent : garder la tête haute.
Il a fallu que le message de Jésus de Nazareth soit puissant et captivant pour entraîner à sa suite malgré bien des risques, les gens qui l’ont côtoyé. Était-il idiot de penser qu’une petite poignée de personnes qui n'avaient reçu qu'une infime partie de son message avaient entrevu qu’une faible lueur de ce qu'il promettait puisse le suivre et accomplir de plus grandes choses que lui ? Il a fallu que la Parole de Jésus perce des cœurs pour qu’elle survive au-delà de sa mort, et ce, depuis plus de XX siècle. La parole des gourous de notre monde meurt souvent avec leur disparition.
Jésus a livré une Parole qui ne meurt pas. Elle touche en profondeur les cœurs. Elle répond aux aspirations profondes de tous les humains même si elles ne furent pas prononcées dans des « sermons » officiels, dans les chaires des Temples. C’est un marchant sur les routes de la Galilée, en observant la situation souvent dramatique des gens que Jésus les a prononcées. Les chefs religieux n’appréciaient tellement pas les réflexions de Jésus qu’ils l’ont tué.
Des gens, croyants ou pas, furent tellement des accrocs à son message, tellement rejoints dans leurs profondeurs, qu’ils ont pris le chemin du grain de blé. Si le message de Jésus ne s’est pas évaporé avec sa mort, contrairement à celui des gourous, c’est parce qu’il faisait sens. Jésus offrait un message libérateur en flagrante opposition avec celui des « preachers » religieux ou politique plus soucieux de préserver leur pouvoir que de venir en aide aux gens de bas niveau.
Le paradoxe est désarmant : Jésus impose parce qu’il n’impose rien. Et c’est pour cette raison que son message a fait surgir des adeptes de la Voie, pour citer les Actes. Aucune sécularisation, si avancée soit-elle, ne peut étouffer la force de ce petit grain de blé pourtant sans puissance. Des auteurs observent que ce n’est pas la sécularisation qui détruit le christianisme, c’est plutôt l’incapacité de l’Église d’accepter de perdre de son pouvoir millénaire[1].
Au cours des siècles, l’Église fut une église de chrétienté à la voix puissante. Il y avait fusion entre sa voix et celle de la société. Elle est maintenant une petite voix, défusionnée, toute fragile dans un monde post-chrétienté aux voix pluralistes. Elle doit apprendre à trouver sa place en exprimant que la foi demeure une option.
Le grain de blé plaide pour une autre « sorte » d’Église, capable d’apprendre à tomber par terre pour porter un fruit d’évangile plutôt que d’en subir laborieusement les conséquences. En paraphrasant Tertullien, nous pouvons affirmer que le monde (l’Église) ne naît pas grain de blé, il le devient.
La force d’un Saint-Laurent ne s’appuyait pas sur le pouvoir de l’argent. Elle s’enracinait dans la voie royale de la faiblesse. Sa vie faisait vibrer des valeurs d’entraide, de solidarité, d’équité, de justice profondément enfouies dans les cœurs. Il n’avait aucun souci de préserver sa réputation, sa personne. Il est resté la tête haute. Cela l'a conduit à la défaite totale et à la lapidation. Était-il fou pour autant ? Jésus a gardé, lui aussi, la voix haute devant les corrompus et les drogués de pouvoir les traitant même de sépulcres blanchis et couvée de vipères (Mt 23 :27, 33). Était-il fou pour autant ?
Le message de cette fête est limpide : il y a l’option de partir ou de rester. Il y a aussi l’autre option ni partir ni se taire (devise des CCBF) comme le fut Saint-Laurent.
Rappelons-nous ce proverbe : à semer trop peu, on récolte trop peu ; à semer largement, on récolte largement. Dieu aime celui qui donne joyeusement sa vie pour la cause de l’Évangile. Amen.
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