Année B : samedi de la 21e semaine ordinaire (litbo21s.21)
Mt 25, 14-30 ; 1 Th 4, 9-11 : éloge du risque.
Je commence par des questions. Sommes-nous dans la posture du risque à courir pour révéler à notre manière le visage de Dieu ou sommes-nous dans la posture de la peur soucieuse de conserver, de ne rien changer, de répéter des mots qui ne disent plus rien ? Savons-nous rayonner la foi sans prosélytisme ou sommes-nous experts à la confiner dans des pratiques qui l’empêchent de sortir de terre ? Favorisons-nous sa fécondité ou sa stérilité ?
Cette parabole est un cri : debout chrétiens, sortez d’une petite vie tranquille, de votre mode d’hibernation à l’abri de toute contamination, prenez le risque de faire valoir l’héritage de la foi et non de l'enfouir par peur de tout perdre. Vous êtes mes mains, ma compassion. Jésus a fait sa part en nous confiant des talents. Faisons la nôtre. Cela ne s’adresse pas seulement aux prêtres, mais à tout le peuple de Dieu.
Le message de cette parabole est limpide. Transmettrez mon feu et non pas adorer des cendres, pour citer le pape clôturant le synode sur l’Amazonie. Nous avons tous des talents pour montrer le Dieu de notre foi. Le comment peut varier. Le maître, très respectueux, ne donne aucune prescription. Il leur fait confiance.
Certains comme le 3e serviteur par peur de tout perdre, préfèrent privatiser leur foi, l’enfouir pour la préserver des attaques d’opposants. En refusant de s’investir dans l’expansion du rêve du maître de bâtir envers et contre tout son grand rêve de solidarité universelle, ils se méritent la sévère réplique de Jésus : mauvais serviteur. Mauvais croyant.
La finale de cette parabole est une pierre dans le jardin des chrétiens tentés de mener une vie repliée sur des acquis parce qu’on a toujours vécu comme ça (Cf. Joie de l’évangile). C’est persécuter la foi que de la réduire à la sphère privée, en la vivant dans un esprit communautarisme, en la formatant en dogme, en moralisme étroit, en refusant la gratuité de Dieu qui n’exige rien en retour.
Les deux autres serviteurs acceptent le risque de la semer. Pour eux, l’enfermer dans un coffre-fort n’est pas une option. Il est facile d’observer que la bergogliophobie[1] qui redonne au peuple de Dieu sa voix pour semer la foi soulève beaucoup de résistance dans une Église formatée par un esprit d’un cléricalisme étroit, observait la Conférence catholique des baptisées francophones. En créant ou recréant le ministère de catéchète, le pape affirmait qu’il est nécessaire de reconnaître la présence de laïcs qui, en vertu de leur baptême, se sentent appelés à collaborer au service de la catéchèse[2].
Jésus veut que nous utilisions, usions notre foi comme service des autres. L’enfouir est un acte de désespérance. Dans le mot foi, disait le pape à mes membres de l’Action catholique, il y a l’exigence de se faire proche[…] de tous[3]. En 2018, Patrice de Plunkett lance aux chrétiens un appel retentissant : cathos, ne devenons pas une secte[4]. Il écrit en ouverture de son livre plutôt interpellant, que la foi n’est pas une « valeur » à vivre, mais une révolution permanente à réaliser[5]. Il faut sortir notre foi de la tentation de l’enfouissement, de l’entre-soi, du pour-soi, qui hésite à embrasser le monde (François Cassingena-Trévedy).
Nous nous disons disciples de Jésus, croyants, mais récusons d’être des disciples-missionnaires. La « suivance » du Christ ne se fait pas dans la quiétude douillette de l’oratoire. Elle se vit en marchant comme Jésus sur des terrains hostiles. Le talent de la foi fait de nous des chrétiens aux oreilles fines qui entendent la voix des chercheurs de sens. Pourquoi est-ce que je vis, me confiait quelqu’un attaché à une bonbonne d’oxygène depuis cinq ans ? La foi n’annule pas le tragique de l’existence ni le défi de la semer au grand vent pour illuminer ceux qui habitent les ténèbres et l’ombre de la mort (Lc. 1, 79).
À votre contemplation : que celui qui a le don de la parole transmettre les paroles de Dieu ; que celui qui a le don de servir l’utilise avec la force que Dieu lui accorde (Cf. 1 Pi 4, 11). Le pape écrit dans son programme-exhortation la joie de l’Évangile, qu’il ne faut pas fermer les portes de l’Église pour s’isoler, mais les ouvrir pour aller à la rencontre de tous. Ouvrons-nous à l’avenir. AMEN.
Autre réflexion sur le même passage :
[1] Ibid, p. 52
[2]https://www.vatican.va/content/francesco/fr/motu_proprio/documents/papa-francesco-motu-proprio-20210510_antiquum-ministerium.html nu 1 et 5
[4] Plunkett Patrice de, Cathos, ne devenons pas une secte, Ed. Salvator, Paris 2018.
[5] Ibid, p. 11
Ajouter un commentaire