Année B : samedi de la 26e semaine ordinaire (litbo26s.21) .
Mt 18, 1-5.10 ; Ba 4, 5-12.27-29 ; le plus grand est petit.
Il est question d’un plaidoyer contre l’exclusion et pour la dignité. Tu peux être en bonne santé, tu peux être le meilleur sportif, tu peux avoir une santé de fer, mais si tu n’as pas de dignité, tu ne vaux rien[1]. Ce sont les mots du pape rencontrant des membres de l’association Lazare que accueillent chez eux comme colocs, de gens sans papiers, sans résidence.
L’appel de Jésus contre l’exclusion des enfants est une attitude nouvelle, sa loi nouvelle, celle qui redonne de la dignité à une époque où ils étaient peu considérés. On imagine mal, à vingt siècles de distance, le courage qu’il a fallu à Jésus pour laisser les enfants venir à lui. Son geste affirme que le royaume est déjà là. Jésus opère un retournement de regard, pose un geste de révolution radicale. Il déclare que la dignité n’est pas attachée à un statut social, qu’elle ne se trouve pas dans ce que nous faisons, dans les vêtements que nous portons, dans les responsabilités que nous exerçons. Elle est intrinsèque et indélébile à notre être et ne dépend d’aucun facteur extérieur.
Parmi les lois les plus anciennes de l’humanité, on y lit dans les lois du Manu (tradition hindoue) que les enfants, les vieillards, les pauvres et les malades doivent être considérés comme les seigneurs de l’atmosphère. Toute personne possède une dignité indélébile, écrit la Charte universelle des droits de l’homme, inspirée par l’Évangile. Si l'humain envers les humains venait à manquer, nous tomberions dans l'abîme de l'inhumain ou du déshumain (Maurice Bellet). Toute personne existe comme une fin en elle-même, et non pas simplement comme un moyen dont on pourrait user à son gré (Emmanuel Kant).
C’est au nom de la dignité qu’est né le mouvement Black Lives Matter, suite au décès de Georges Flord. C’est au nom de la dignité qu’une femme, Rosa Parks, refuse de laisser sa place dans un autocar. C’est au nom de la dignité qu’une femme, Marie Labrecque, récemment décédée centenaire, initiatrice de l’école Rosalie-Jetté qui accueille des adolescentes enceintes ou des mères célibataires, a consacré sa vie à redonner leur dignité aux prostituées d’ici. C’est au nom de la dignité que Jésus déclare : laissez venir à moi les enfants (Cf. Lc 18,16 ; Mc 10,14). Si vous ne redevenez pas comme des petits enfants, vous n’entrerez pas dans le Royaume des cieux (Mt 18, 3).
Jésus renverse les règles qui gèrent les rapports entre humains. La dignité est le nouvel habit social qu’inaugure Jésus. Jésus passe sa vie à sortir de l’inhumanité les victimes de toutes sortes de déshumanisation, les enfants, les malades, handicapés, les sans-logis, les exclus, les étrangers, les prostituées, etc. Il pose sur chacun le regard que son intimité avec le Père lui fait découvrir. Un regard divin.
Pour Jésus, la loi régulatrice de nos relations entre nous se trouve dans ce mot tellement usé qu’il ne fait plus sens, l’amour mutuel. Cette loi nous sauve d’un abîme inhumain. L’inhumain est tout ce qui brise nos relations aux autres. Tout ce qui déshumanise l’autre. La dignité est un bien commun universel.
En appelant les enfants vers lui, Jésus vit avec une intensité d’exception (Musset Jacques) ce qu’est être au service de son Père (Cf. Lc 4, 49). Son geste est un indice de son intimité avec Lui. Il atteste que l’essentiel de sa vie est de montrer le Père. Le royaume selon Jésus, est tout autre chose que l’exclusion. Nous n’en finirons jamais d’apprendre à nous donner ce regard humain, autre manière d’affirmer qu’il est divin.
Il ne s’agit pas seulement des enfants. Il s’agit de n’exclure personne. Il s’agit de mettre les derniers à la première place. Il s’agit de notre humanité. Il s’agit d’édifier un monde plus fraternel pour réduire à néant la mondialisation de l’indifférence. Que nos anges gardiens nous accompagnent sur cette route de regarder l'autre avec dignité. AMEN.
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