Année B : samedi de la 3e semaine du temps ordinaire (litbo03s.21)30 janv.
Mc 4, 35-41; He 11, 1-2.8-19: ensemble dans la tempête.
Alors que sa ville de Greensburg (Kansas, É.-U.) fut balayée par une tornade qui a tout détruit, le maire Bob Dixson fit cette déclaration : nous avons appris que dans la vie la seule chose qui soit vraiment écologique et durable est la façon dont nous nous comportons les uns [envers] les autres[1].
Dans son encyclique sur la fraternité (Fratelli tutti), le pape reconnaît que nous sommes sur ce terrain de la solidarité qui est plus que de l’entraide, des analphabètes (no 64). Le virus de l'individualisme radical est le plus difficile à vaincre (no 105).
Le maire Dixon en 2007 et récemment le pape François exprimaient que chacun est ontologiquement lié aux autres. La culture actuelle a évacué l’existence de l’autre. Elle resurgit quand survient la tempête. En plein confinement mondial, le 27 mars dernier, le pape François lance ce cri : nous sommes tous dans la même barque.
Marguerite Yourcenar remarque que rien ne rapproche les êtres humains comme d’avoir peur ensemble. La peur soude les gens ensemble. Elle crée une solidarité. On l’a vu dans le cénacle au lendemain de la mort de Jésus. Les apôtres étaient unis dans la peur. C’est la même réalité sur la barque, au milieu d’une mer agitée; des disciples sont soudainement soudés les uns aux autres. Ils oublient d’être à droite ou à gauche, d’être à la table d’honneur ou pas. Ils sont ensemble luttant et se débattant.
La seule fois dans l’évangile où Jésus dort, c’est au milieu d’une tempête. Son attitude montre qu’une tempête n’est pas synonyme de danger. Elle offre une opportunité de réinventer d’autres chemins. De croître. Jésus n’a pas le nez dans le sable. Il vit sereinement la tempête parce qu’il est dans le Père et que le Père est en lui. Aux disciples qui éprouvent de l’insécurité, Jésus ne reproche pas de l’avoir réveillé, mais de ne pas avoir confiance en lui. Il est là dans la tempête avec eux. Il les amène à grandir dans leur relation avec Dieu. Pourquoi avoir peur ? N’avez-vous pas confiance ? (Mc 4, 40).
Vivre, ce n’est pas attendre que l’orage passe, c’est apprendre à danser sous la pluie, disent les Anciens[2]. Une tempête permet de prendre du recul, de rectifier une trajectoire, d’explorer de nouvelles orientations, d’expérimenter un autre chemin de vie (Carl-Gustav Jung). Dans une tempête, le besoin de sécurité prime sur le besoin de croissance, mais en toute fin, c’est la croissance qui gagne et la solidarité qui l’emporte.
Toute tempête- et c’est en soi une très bonne nouvelle- fait surgir, réveille notre besoin des autres et de l’Autre. L’isolement des derniers mois confirme ce besoin des autres, de leurs affections, de leur présence.
Dans sa lettre encyclique sur la fraternité, le pape a des mots très forts pour souligner ce besoin des autres quand il écrit que dans le monde d’aujourd’hui, les sentiments d’appartenance à la même humanité s’affaiblissent et le rêve de construire ensemble […] semble être une utopie d’un autre temps. Nous voyons comment règne une indifférence commode, froide et globalisée, née d’une profonde déception qui se cache derrière le leurre d’une illusion : croire que nous pouvons être tout-puissants et oublier que nous sommes tous dans le même bateau […] Culture de l’affrontement non, culture de la rencontre, oui (no 30). Dans ce monde, qui avance sans un cap commun, se respire une atmosphère où la distance entre l’obsession envers notre propre bien-être et le bonheur partagé de l’humanité ne cesse de se creuser et nous conduit à considérer qu’un véritable schisme est désormais en cours entre l’individu et la communauté humaine (no 31).
L’auteur de l’épitre aux Hébreux nous relate l’histoire d'une importante tempête vécue par le peuple. Quelle tempête que celle d’Abraham allant immoler son fils. Il fut soumis à l’épreuve. Quelle tempête ce fut pour Moïse qui demande à Dieu de reprendre sa vie parce que la conduite du peuple d’Israël est devenue trop lourde (Nb 11, 15). Quelle tempête a dû vivre Jérémie qui s’exclame: maudit soit le jour où je suis né (Jr 20,14); et Jean-Baptiste qui demande à Jésus: es-tu celui qui doit venir (Mt 11,3) ?
La question est posée à chacun : qui est cet homme ? (v. 41) Elle est capitale. Que ces mots du psaume (Ps 26, 1) deviennent des mots riches de sens pour atteindre l’autre rive : le Seigneur est ma lumière et mon salut ; de qui aurais-je crainte ? Le Seigneur est le rempart de ma vie ; devant qui tremblerais-je ? AMEN.
Autres textes sur le même passage :
[2] Voir Lenoir, Frédéric, Vivre dans un monde imprévisible, Éd. Fayard, 2020.
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