Année B : samedi de la 9e semaine ordinaire (litbo09s.21)
Mc 12, 38-44 ; Tb 12, 1.5-15.20 : le style chrétien.
L’évangile vient de nous présenter le visage des grands de ce monde. Subtilement l’évangile nous demande si nous sommes parmi les grands de ce monde. Grandeur et misère, ces deux mots résument la beauté de ce que Jésus a vu. Les dépossédés de tout n’oublient pas que d’autres ont aussi besoin d’aide. À travers cette veuve, ce sont ceux qui, avec leur rien du tout, viennent en aide aux autres que Jésus reconnaît. Le regard de Jésus s’arrête sur un geste d’entraide. Cette veuve a un grand cœur. Elle contribue à une nouvelle forme créative de participation sociale (Cf. Ft nu.169).
Cette veuve rappelle à ceux qui disent qu’on ne peut rien faire de plus pour améliorer une situation qu’ils n’ont pas encore tout essayé. Son geste questionne notre propre humanité. Il est au cœur de l’Évangile. La multitude des croyants n’avait qu’un cœur et qu’une âme. Nul ne disait sien ce qui lui appartenait, mais entre eux tout était commun (Ac 4, 32). Il faut plus que d’apporter son aide aux autres.
Un proverbe chinois dit cela. Si tu donnes un poisson, il en mangera un jour. Si tu lui apprends à pêcher, il mangera toujours. Il n’est pas suffisant d’aider. Trop souvent nous aidons sans aider à aider ; pour nous donner bonne conscience. Nous devons avoir le courage d’aider à construire des espaces de solidarité[1].
Le regard de Jésus fait comprendre que cette femme aussi apporte sa petite contribution. Elle pose un geste de grande charité, de solidarité tant elle est persuadée qu’elle ne possède que ce qu’elle donne. Jésus pose sur cette femme le même regard de dignité, de prestige, de grandeur que les dirigeants portent sur la générosité des « bons » donateurs. Il est fort à parier que les responsables du Temple ne donnent pas beaucoup de valeur au geste de la veuve. Ils portent leur attention aux « bons » donateurs qu’ils s’empressent de louanger.
Jésus reconnait publiquement ce que personne ne voit : cette femme a aussi de la compassion. Elle donne tout ce qui lui vient du Tout. Ce regard est l’une de ces « révélations » inouïes que l’évangéliste rapporte. Jésus voit que les moins que rien, les exclus, les pauvres, ont aussi un grand cœur quand il s’agit d’apporter leur contribution aux mieux-être des autres. La veuve savait nourrir à sa façon ceux qui ont faim. J’avais faim et vous m’avez nourri, j’avais soif et vous m’avez donné un verre (Cf. Mt 25, 35.36).
Aujourd’hui quand une banque fait faillite, des sommes scandaleuses apparaissent immédiatement pour la sauver […] quand c’est l’humanité qui fait faillite, il n’y a pas une once de ces sommes pour sauver les frères qui souffrent tant ?[2] L’évangile offre un regard pour contrer cette faillite de l’humanité. On parle actuellement de la nécessité d’un revenu d’existence qui serait une révolution démocratique et économique ouvrant sur une société fraternelle[3].
Quand je regarde l’effort que les gens font pour s’entraider, pour sortir de la crise économique, quand je suis témoin de bénéficiaires sociaux qui partagent le peu qu’ils ont pour s’entraider, quand des membres de l’association Lazare regardent l’autre comme un compagnon de route[4] et qu’ils accueillent chez eux des colocs sans-logis, je revois le même geste de cette veuve qui a tout donné. Si tous les milliardaires faisaient comme cette veuve, comme ces pauvres gens et, partageaient, sans rien retenir pour eux, tout ce qu’ils possèdent, notre monde serait bien différent.
En conclusion, je vous offre cette réflexion d’un proverbe persan très évangélique : en ce monde, les hommes généreux manquent d'argent, et ceux qui ont de l'argent manquent de générosité. AMEN.
[1]http://www.vatican.va/content/francesco/fr/homilies/2020/documents/papa-francesco_20200327_omelia-epidemia.html
[2]http://www.vatican.va/content/francesco/fr/speeches/2016/november/documents/papa-francesco_20161105_movimenti-popolari.html
Autres réflexions sur le même passage :
[1] https://www.vatican.va/content/francesco/fr/letters/2021/documents/papa-francesco_20210404_lettera-banca-mondiale.html
[2]http://www.vatican.va/content/francesco/fr/homilies/2020/documents/papa-francesco_20200327_omelia-epidemia.html
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