Année B : samedi de la 8e semaine ordinaire (litbo08s.21)
Mc 11, 27-33 ; Si 51, 12c-20 : sois un modèle et non un législateur.
Chez Marc, la première question posée à Jésus est celle de Satan : es-tu venu nous détruire (cf. Mc 1, 24). Elle est suivie de plusieurs autres : pourquoi guérir un jour de sabbat ? Pourquoi s’asseoir aux tables des impurs ? De quel droit fais-tu cela ?
Jésus n’est jamais interrogé sur sa foi, mais plutôt sur ses comportements qui dérangent tel qu’arracher des épis un jour de sabbat (Cf. Mc 2, 23-28), s’il faut payer des impôts à César (Cf. Mt 22, 15-21) ou quand il nourrit une foule. Ce sont des questions embarrassantes pour quelqu’un qui n’est pas issu du courant sacerdotal, qui n’a reçu aucune formation universitaire et ne détient aucune responsabilité officielle.
Ce n’est pas la vie de foi de Jésus qui pose problème, ni sa spiritualité, ni les heures qu’il passe à l’écart pour prier. On interroge Jésus quand il pose des gestes hors de l’ordinaire, quand il prend ses distances face à la manière de pratiquer la religion, quand, avec colère, il chasse les vendeurs du Temple (cf. Jn 2, 13,25). Tout innovateur est un transgresseur puisqu’il met dans la culture une pensée qui n’y était pas avant lui. Il sera donc admiré par ceux qui aiment les idées nouvelles, et détesté par ceux qui se plaisent à réciter les idées admises (Boris Cyrulnik).
On l’interroge parce qu’il préfère la puissance de l’exemple plutôt que l’exemple de la puissance, pour citer Jos Biden acceptant sa nomination le 8 novembre dernier. Jésus ne répond pas à l’image du Messie attendu, celui qui allait détruire les pécheurs et faire courber les gens sous la puissance divine (Maurice Zundel).
Ce qui fait autorité chez Jésus est sa capacité de maintenir une sainte proximité avec ses opposants. Il ne leur tourne pas le dos, ne leur manifeste aucun désir de vengeance et ne prend pas plaisir à leur conduite mauvaise (Cf. Ez 33, 11). Il continue de les respecter, les considérer. Ce qui impressionne chez Jésus, c’est qu’il est un modèle, non un législateur (Abba Poemen). Modèle de douceur au milieu de tant de rivalités. La possession de la terre est aux doux (Ps 36) qui, précise Matthieu, héritent de la terre. Jésus lui-même dira : apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur, que mon autorité n’est que douceur (Cf. Mt 11, 29).
La foule écoute Jésus parce qu’il sait dire sans imposer. Il dégage une force faible (John D. Caputo), une autorité dépourvue de pouvoir. Il n’érige pas de barrières, ne s’enferme pas dans un esprit de communautarisme sécurisant. Il ouvre des chemins sans condamner ceux qui en choisissent un autre (Cf. Mc 10 : 17-27 ; Lc 18 : 18-27).
Autorité tout en douceur, Jésus sait comment parler aux gens. Moi non plus je ne t’accuse pas (Cf. Jn 8, 11). Sa première attitude n’est pas de braquer la loi, d’ériger des barrières entre pharisiens et saducéens, entre juifs ou païens. Sa première réaction n’est pas de se défendre. Il n’est que douceur. Son attitude interpelle ses opposants. Je suis venu pour qu’ils aient la vie (Jn 10, 10). Jésus libère les gens et sa manière de s’adresser à eux les guérit (Cf. Mc 1, 22) ou tout au moins les fait réfléchir.
Plutôt que de montrer son exaspération d’être en permanence poursuivi, l’interrogé Jésus se fait interrogeant. Qui a envoyé Jean baptiser ? Qui suis-je ? Croyez-vous ? Pourquoi avez-vous peur ? Pourquoi avez-vous douté ? Veux-tu être guéri ? Alors qu’on interroge Jésus pour le coincer, Jésus interroge pour mettre en marche, en mouvement, en exit vers autre chose. Ses questions donnent de l’altitude à la vie. Deviens modèle, disait le sage Poemen.
Nous avons besoin aujourd’hui, au milieu de tant de rivalités politiques ou religieuses, d’observer l’attitude de Jésus. Le plus grand défi réside dans la façon de parler aux autres. Notre culture n’encourage pas la promotion de la puissance de l’exemple, de la douceur ouvrant sur un merveilleux échange entre nous. Les médias sociaux rejoignent les gens qui partagent souvent les mêmes visions.
Dans sa lettre au peuple de Dieu[1], le pape François observe qu’il y a dans l’Église une manière déviante de concevoir l’autorité dans l’Église […] qui annule la personnalité des chrétiens […] et diminue la grâce baptismale que l’Esprit saint a placée dans le cœur du peuple. La culture du cléricalisme, l’expression est du pape François, n’est pas un modèle d’autorité à promouvoir.
Quelle sagesse il y a dans ce deviens un modèle, non un législateur ! Demandons-nous si, comme époux, parents, éducateurs, pasteurs, nous sommes modèles et non-législateurs? AMEN.
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