Année B- mercredi de la 32e semaine ordinaire (litbo32me.21)
Lc 17, 11-19; Sg 6, 1-11 : le pouvoir de la gratitude.
Vous l’ignorez sans doute, il existe aux États-Unis des laboratoires qui étudient les circonstances et les conséquences de la gratitude. La première conséquence, rapporte-t-on, est que la gratitude est le carburant de nos relations aux autres. Elle naît d’événements hors de nous. Elle ouvre sur l’émerveillement des petites choses anodines, une température agréable, une levée du jour magnifique, l’arrivée à l’heure, etc. Elle fait se sentir plus heureux, plus relié aux autres, plus vivants.
Une seconde conséquence est que la gratitude prolonge la vie. Les chercheurs donnent l’exemple de la longévité dans des communautés religieuses. Ils observent que plus les lettres contiennent des mots d’appréciation, de reconnaissance, plus les personnes vivaient longtemps.
Discerner dans nos journées les petits moments agréables qui font du bien, apprécier un repas tout simple, dire merci, cela rend le quotidien plus heureux, donne une meilleure mine. La gratitude oriente nos regards sur les détails et les petites choses qui donnent de la saveur au quotidien. C’est une disposition intérieure extrêmement concrète. C’est un sentiment de reconnaissance lorsque nous réalisons la saveur ce que nous vivons. La gratitude fait des miracles et permet de mieux vivre une situation qui demeure pourtant pénible.
Malgré ces bienfaits indéniables, la gratitude n’est pas un sujet courant de nos conversations. Ce passage d’un regard pessimiste à un regard qui met en valeur les beaux gestes même insignifiants de tout quotidien n’est pas spontané. Pour plusieurs, elle est plus difficile à recevoir qu’à donner.
Les évangélistes nous présentent un Jésus, pour citer Lytta Basset, qui a osé la bienveillance ; un Jésus capable d’empathie, de compassion, de pardon ; un Jésus animé par un mouvement de gratitude et d’émerveillement ; un Jésus dont chaque sortie était des visites de gratitude. Tellement empathique ce Jésus qu’il générait la vie sur son passage. Il avait cette sagesse de prendre un soin pareil de tous, petits et grands (Cf. Sg 6, 7). Ses moments de prière étaient des moments de gratitude Père, je te rends grâce et qu’il poursuivait dans ses rencontres. Jésus vivait en permanence émerveillé, éveillé à la beauté de la vie. Il n’oublie aucun de ses bienfaits (Ps 103,2).
C’est un peu de cela qu’il exprime à ce lépreux qui revient vers lui. Avec diplomatie, Jésus parle de ce qui lui fait le plus plaisir : recevoir de la gratitude. La grande mystique et docteur de l’Église, Thérèse d’Avila dit cela quand elle écrit dans sa 6e demeure : ce n’est pas le péché qui m’affecte, mais plutôt l’ingratitude. Sainte Battista Varano, parlant des douleurs mentales de Jésus sur la Croix, mentionne comme 8e douleur, celle de l’ingratitude de toutes les créatures. Elle écrit : tu m’as donné d’entendre tes Paroles […] tu m’as relevé […] tu m’as ressuscité en toi […] et moi je t’ai donné du vinaigre sur la Croix […] je t’ai crucifié[1] .
Nous faisons aussi partie des neuf qui soulagé de leur souffrance, oublions de reconnaître les bienfaits dont tu m’as comblé. Pour Jésus, la gratitude change tout. C’est l’antidote contre la frustration, le ressentiment. Elle déverrouille la joie de vivre. La gratitude est le bâton sur lequel nous appuyer. Comme le marcheur s’appuie sur un bâton pour faciliter sa marche, s’appuyer sur la gratitude rend la marche plus légère.
Dans le monde de la violence, on ne dit pas merci. Pire, on ne se fait grâce de rien, on est « sans merci ». On se poursuit sans répit, on se persécute, on ne s’épargne rien. Quand il n’est pas déprimé, l’homme moderne rouspète. Il est mécontent, indigné, révolté et il le fait savoir. Jamais il ne dit merci. Il pense que tout lui est du[2] .
À votre contemplation : mettons nos pas dans ceux du lépreux qui revient vers Jésus, dans ceux de François d’Assise qui dans le cantique des créatures ne cesse de s’émerveiller. Apprenons à changer notre regard sur le monde qui nous entoure. En changeant notre regard et notre cœur, en écoutant ce rossignol qui chante au petit matin, en admirant ces feuilles qui rougissent sous la lumière de l’automne, nous annoncerons la Bonne Nouvelle, nous reconnaissons les bienfaits dont je suis comblé (Ps 103). Le lépreux ne revient pas en arrière, il pose un petit geste au message d’une grande portée. Il rend gloire à Dieu. Il reconnaît que tout est grâce. AMEN.
[2] Voir Bertrand Vergely, retour à l’émerveillement, Ed Albin Michel, 2010
Ajouter un commentaire