Année B : samedi de la 2esemaine de Pâques (litbp02s.21)
Jean 6, 16-21 ; ac 6, 1-7 : marcher sur des œufs.
Vous connaissez l’expression marcher sur des œufs. Pas besoin d’être un maître en gastronomie pour savoir qu’un œuf se brise facilement. Un geste trop brusque et tout s’effondre. Nous ne sommes pas, selon une autre expression, sortis de l’auberge tant la vie amène une kyrielle de tempêtes, plus déstabilisantes les unes que les autres.
Nous faisons tous l’expérience de marcher sur des œufs. À tout moment, tout risque de s’effondrer. On parle même de la science de la collapsologie qui étudie l’effondrement de la vie qui est comme un château de cartes. Nos dirigeants politiques savent bien cela, eux qui doivent tous les jours prendre des décisions. Une parole inadéquate, un geste impromptu et tout collapse. Dieu ne prend pas plaisir à la perte des vivants (Sg 1, 13-14).
Dans son discours annuel à la Curie[1], le pape cite une philosophe juive Hanna Arendt : les hommes, même s’ils doivent mourir, ne sont pas nés pour mourir, mais pour commencer. Elle ajoute : ce qui sauve le monde, c’est la natalité. Le rendez-vous de chacun n’est pas la fatalité, la collapsologie, mais la naissance. Un enfant nous est né. En marchant sur les eaux, Jésus vient tuer dans l’œuf l’effondrement des siens, leur déprime. Voilà l’essentiel de Pâques, tué dans l’œuf l’effondrement de la vie.
La fatalité n’est pas le rendez-vous de l’humain. Nous ne naissons pas pour être jeté dans la mort. Nous naissons pour naître. Et chaque tempête, chaque crise est une naissance. De tout temps, la tempête fait signe, appelle à renaître.
Songeons à la route pascale de Jésus. Quelle tempête intérieure cache son cri : pourquoi m’as-tu abandonné (cf Mt 26,38; Ps 22). Songeons à Pierre et sa trahison, aux deux fils de Zébédée, à Paul de Tarse secoué par une rencontre (Ga 1, 15-16), poussé à abandonner ses sécurités (cf. Ph 3, 4-10), à Jean-Baptiste tenaillé par le doute sur l’identité de Jésus (cf. Mt 11, 2-6). Songeons à Nicodème, membre de la plus haute société juive, pris de doute et qui entend l’invitation à naître à nouveau (cf. Jn 3, 1-10). Songeons à Élie qui demande la mort (cf. Si 48, 1). À chaque fois, rapporte la bible, une nouvelle naissance surgit. Quelqu’un s’infiltre dans les failles de leur désarmement.
Les Actes des apôtres (lecture) rapportent une tempête qui surgit dans la communauté chrétienne naissante. Que faire des pauvres, allons-nous les laisser à eux-mêmes ? Et l’on crée le service de la diaconie. On a tué dans l’œuf une situation déplorable, celle de la misère.
Seuls, nous faisons naufrage[2]. Quelqu’un s’invite dans nos barques, s’introduit dans nos barques pour tuer dans l’œuf tout risque d’effondrement, de désespérance. Comme les disciples, une voix nous dit : pourquoi êtes-vous si craintif ? N’avez-vous pas la foi ? Et nous expérimentons qu’avec lui à bord, le naufrage s’éloigne nous.
Quand nous faisons naufrage, notre ego est ébranlé, notre maquillage tombe, nous perdons notre arrogance, nous avons besoin d’aide. Impossible de vivre seul quand survient la tempête. Quelqu’un, un ami, un passant, un proche parent, un croyant, se fait aidant avec les moyens du bord qu’il possède. Quelqu’un franchit les portes clauses de nos cénacles et nous invite subtilement à se laisser impressionner par sa manière de vivre la tempête.
Questions : quelle tempête nous désarme à chaque fois qu’elle survient ? Qui s’offre à nous aider ? Comment acceptons-nous son aide ? Quand nous perdons courage, qu’il n’y a jamais de fin au pire, que la tempête prend de l’ampleur, que nous jugeons tout sur la base de nos échecs, quelqu’un est là pour tuer dans l’œuf nos déceptions, nos inquiétudes, nos doutes, pour éviter que notre vie ne cogne sur une pierre tombale.
Jésus est un spécialiste pour transformer nos morts en vie, nos plaintes en danse (cf. Ps 30,12), pour nous conduire sur l’autre rive. Nous sommes nés non pour mourir, mais pour commencer à naître. Et l’évangile dit : c’est par votre persévérance que vous garderez votre vie (cf. Lc 21, 12-19). AMEN
Autres réflexions sur le même passage :
[1]http://www.vatican.va/content/francesco/fr/speeches/2020/december/documents/papa-francesco_20201221_curia-romana.html
[2] Voir l’excellente réflexion sur pape sur la pandémie : Moment extraordinaire de prière présidé par le Saint-Père (27 mars 2020) | François (vatican.va)
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