Année A : samedi de la 5e semaine ordinaire (litao05s.20)
Mc 8, 1-10 : miettes de grande valeur
Dans sa lettre apostolique Le merveilleux signe de la crèche, le pape François mentionne que saint Augustin, avec d'autres Pères de l’Église, a bien saisi le sens de la crèche lorsqu’il écrit : allongé dans une mangeoire, il est devenu notre nourriture […]. Sur la mangeoire, le prêtre célébra solennellement l’eucharistie, montrant le lien entre l’incarnation du Fils et l’eucharistie. À la vue de cette crèche à Greccio, chacun retourna chez lui plein d’une joie ineffable[1].
Devant ce pain multiplié, notre joie est-elle ineffable ? La bonne nouvelle se trouve dans la simplicité de ce pain multiplié, rapporté par les quatre évangélistes. Elle se voit autant sur cette table eucharistique que dans la mangeoire où Jésus fut déposé. Dans l’une comme dans l’autre, nous sommes devant quelque chose qui nous dépasse : la petitesse, l’abaissement de Dieu.
La crèche comme le geste de nourrir la foule est un véritable banquet (cf. Lc 14, 15-24) auquel Dieu invite les pauvres, les estropiés, les aveugles, les boiteux (Mt 15, 20) pour leur offrir une table gastronomique, sa présence. Tous y ont accès. Certains décident de s’en exclure. Par sa naissance autant que par son geste dans le désert, Jésus atteste qu’il sent en lui une capacité inépuisable de nourrir toutes les faims du monde qui se pressent autour de lui. Il ne recule devant rien pour nourrir tout le monde. Aucune faim ne l’effraie.
Devant tant de faims diverses, jamais Jésus ne perd courage. Il tient le coup, dirions-nous aujourd’hui, et sa compassion lui secoue le cœur. Le banquet qu’est sa crèche et cette table offrent une abondante nourriture à qui s’en approche. Il n’est jamais déçu de notre capacité d’en goûter la fine fleur du froment (cf. Dt 32, 14). Son cœur, le plus sensible et le plus éclairé qui n'aie jamais battu dans une poitrine humaine, nourrit toutes les faims réunies ensemble.
La multiplication des pains, l’autre versant de l’incarnation, n’est qu’une miette ou une goutte d’eau au regard des yeux inassouvis de grandeur. Pourtant avec ce geste, Jésus ouvre le temps de la petitesse de Dieu, le temps des petits bourgeons qui pointent. Le temps pour que nous devenions Dieu par participation. Le temps pour diviniser nos petits gestes. Qu’est-ce qui est plus petit qu’un bourgeon ?
Le geste de nourrir la foule, comme sa naissance, est plus qu’un geste humanitaire. C’est autre chose. C’est infiniment plus. C’est un signe, un exemple (cf. Jn 13, 15) pour que nous fassions de même ; pour que nous vivions comme lui. C’est par une vie frugale et par une nourriture presque dérisoire aux yeux de ceux qui ne désirent qu’une table gastronomique et richissime, que Jésus apaise toutes les faims. Sont offertes à notre contemplation, ce matin, la magnanimité et l’abondance de ce qui est anodin. Est offert à notre contemplation ce que nous sommes : des petites miettes de Dieu. Dieu ne peut demeurer qu’en Dieu. Nous sommes des petites miettes en qui Dieu demeure.
Dans l’histoire de la foi, les chrétiens, qu’ils soient évêques, cardinaux, prêtres ou laïcs, qui ont voulu s’imposer par la grandeur, par la force ou par des conquêtes ont toujours fini dans la déchéance. C’est dans l’insignifiance d’un petit geste dérisoire que nous devenons à notre tour «nourrissant». Chaque fois que nous nouons des liens d’amitié et d’affection, que nous établissons une nouvelle proximité, nous reproduisons le banquet de la crèche et le royaume est déjà parmi nous. Si nous cessons de contempler ce chemin, nos vies risquent de souffrir d’acédie, cette douce tristesse, dit la lettre apostolique sur la crèche.
À votre contemplation: où trouver dans le désert de notre monde, assez de pain pour rassasier cette foule ? La réponse de Jésus : soyons ce pain qui nourrit. Compatissons pour cette foule qui, dans l’abondance, a faim d’une autre nourriture pour éviter de défaillir. Nous éloigner de cette foule, c’est nous éloigner de Dieu. La vie de Jésus fut nourriture. Quand la solidarité est sur le blason de nos vies, nous sommes une nourriture pour les autres. AMEN.
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