Année A : samedi de la 26e semaine ordinaire (litao26s.20)
Lc 10, 17-24 ; Jb 42, 1-3.5-6.12-17 vivre comme Jésus.
Vous avez noté que lorsque Jésus envoie des disciples, il ne leur dit jamais quoi dire, comment dire. Il ne les oblige pas à suivre trois ans de formation en vase clos. Jésus n’est pas un «docteur» à la mode rabbinique. Il n’envoie pas asséner le peuple d’un corpus de croyances religieuses. N’emportez pas vos connaissances. N’importez rien.
Cela peut paraître étrange à ceux qui pensent que la mission d’implanter un nouveau projet exige beaucoup d’investissement. Il envoie des hommes et des femmes vivre comme lui. Tout est dit. Allez vivre comme moi. Allez pratiquer Dieu sur la route. Non pas aller théologiser sur Dieu. Allez pratiquer et vous marcherez sur les serpents […], vous écraserez toute puissance. Vous serez crédibles.
L’Esprit saint, en choisissant le pape François au siège de Rome en 2013, répond, il me semble, à la mission que Jésus a donnée aux soixante-douze disciples auquel notre texte fait allusion. Par sa présence, sa capacité de ne pas juger (qui suis-je pour juger, a-t-il déclaré sur le vol de Rio à Rome) et de partager la joie des autres, son sourire rassurant, sa manière de vivre, de s’habiller toute simple, le pape François témoigne qu’il pratique Dieu, qu’il vit comme Jésus. Sa vie est une parole de Dieu.
Me vient en mémoire cette histoire qu’on racontait au XVIIIe siècle en Pologne où il ne restait dans un pauvre monastère que cinq moines âgés. Le père Abbé dans une conversation avec un rabbin lui demanda comment il voyait l’avenir de monastère. Surpris de la question et après un instant d’hésitation le rabbin répondit : vivez comme si le Messie était parmi vous, comme si l'un de vous cinq était le Messie. De retour au monastère, le père Abbé demanda à l’un de vivre dans la joie, à un autre vivre détaché des biens, à un autre d’avoir un regard lumineux. Et l’histoire rapporte que les vieux moines s’étant mis à vivre comme si l’un d’eux était le Messie, il y eut beaucoup de jeunes pousses. Fascinant. Jésus envoie vivre comme lui. Comme si nous étions le Messie.
Comment Jésus a-t-il vécu ? Saint Ignace a bien résumé la vie de Jésus quand il écrit qu’il faut chercher et trouver Dieu en toute chose. En regardant un semeur dans le champ, en voyant une femme pétrir le pain, en rencontrant des gens pauvres, marginalisés, méprisés, il ne voulait pas qu’ils se contentent d’une vie médiocre, édulcorée, sans consistante (G.E. no1). Jésus voyait en grand pour eux. Il rêvait pour eux et avec eux d’une vie grandiose dans les petites choses. Sa foi lui faisait voir le Père en toute chose. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre son appel : convertissez-vous, le royaume est arrivé. Jésus n’a jamais été un spectateur du match de la vie. Pour gagner le match, pour réaliser son projet de royaume, il s’est investi à fond toute sa vie.
Jésus ne s’est pas contenté d’annoncer une bonne nouvelle. Il a vécu en état de bonne nouvelle. Il ne s’est pas contenté de rafraîchir la loi, d’en dicter les frontières du permis et du défendu, sa vie fut la plus belle définition de la loi nouvelle. Jésus avait une vive conscience que l’intensité de sa présence au Père et à tout le monde transformait davantage les cœurs que les sermons. En s’assoyant à toutes les tables, il enseignait plus l’ouverture aux autres que tout discours sur l’acceptation de tout le monde.
Pour lui, chaque petit événement, même le plus anodin, était une occasion de joie, de montrer le Père. Dans son exhortation apostolique joie et allégresse, le pape citant Jean de la Croix (no 119), décrit comment vécut Jésus : te réjouir du bien d’autrui comme du tien propre […] désirer que les autres te soient préférés en toute chose, le désirer, dis-je, très sincèrement. De cette façon, tu surmonteras le mal par le bien, tu repousseras le démon loin de toi, tu auras le cœur dans la joie.
Cette manière de vivre comme Jésus chasse les démons, guérit les malades, apporte la paix aux cœurs troublés. Jésus envoie deux par deux non pas dire Dieu. Il envoie être Dieu. Expérimenter le Père comme lui l’a expérimenté. C’est ça qui est premier. La mission n’est pas d’attirer le monde à Jésus, mais d’être Jésus dans ce monde qui est nôtre.
Un père du désert écrit et cela dit la nature de notre mission : aucun œil n’a jamais vu le soleil sans devenir semblable au soleil ni une âme ne peut voir la beauté sans devenir belle. Vous devez devenir d’abord tous divins et beaux si vous avez l’intention de voir Dieu et la beauté[1].
Une question pour conclure : ma manière d’annoncer Jésus recevrait-elle l’imprimatur Jésus ? Amen.
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