Année C : commémoration des défunts 2019
Mt 25, 31-46 ; 1 Co 15, 51-57 : rien n’est plus sûr que le doute
Les éditions Magnificat publiaient récemment un numéro spécial qui a fait figure d’ovni dans les éditions religieuses[1]. L’auteur offre un parcours qui part d’un monde fini et qui débouche sur un univers infini, divin. Venez vivre, écrit l’auteur responsable du Magnificat, dans l’espace divin l’Odyssée de votre raison d’être ! Et notre raison d’être est de passer du souviens-toi que tu es mortel à souviens-toi que tu es éternel. Quelle transformation de nos regards que ce passage d’un souvenir mortel à un souvenir éternel !
Et c’est bien le sens profond de ce jour où nous commémorons nos défunts. Nous souvenir que nous sommes éternels. Cela n’enlève rien à la réalité de la mort qui est l’arbre qui cache la forêt et qui accapare toute notre attention. Il nous empêche de voir la grandiose réalité : nous ne cessons jamais d’être éternels. Nous sommes des vivants. Rien ni personne, ni Satan ni Dieu, ne peut y mettre fin. Ce n’est pas seulement une question de foi. C’est la finalité de l’être que nous sommes. La vie n’est pas tuable. Elle ne fait que se muter en permanence.
Voir au-delà de l’arbre qui cache la forêt. La mort n’est pas un accident mortel. Elle n’est pas invincible. Personne n’échappe à la mort. Personne n’échappe à la vie. Ce n’est pas parce que nous sommes mortels que nous cessons d’être éternels. Nous sommes tous atteints, et c’est terrifiant de le reconnaître, du virus de la vie. L’arbre qui tombe fait du bruit. La vie qui pousse en fait beaucoup moins. Entrez dans la mort, c’est entrer dans la vie. La mort et la vie sont en parfaite symbiose. Pour les scientifiques, cette symbiose est magnifique. Pour le chrétien, cette symbiose ouvre sur une plénitude.
La vie n’est pas détruite, elle est transformée. Mais qu’est-ce que la vie ? Question ouverte. Elle fait moins de bruit que ce qui tombe. Et Matthieu nous indique un chemin pour bien vivre sa vie, un chemin qui conduit à devenir éternel. Ce chemin, c'est prendre soin de l’autre: j’étais malade… en prison… migrant (1 Co 15, 55). La mort est cet acte création-commencement de la vie qui se continue même quand nous la voyons tombée, extérieurement inerte.
En ouvrant la grande nuit pascale, l’Église nous interpelle: exultez de joie, multitude des anges, exultez serviteurs de Dieu! Trompettes, sonnez, pour saluer la victoire d’un tel Roi […] Réjouis-toi, notre terre, tout irradiée de son éclat. Réjouis-toi, notre Église, toute parée de l’éclair de sa lumière […]. Et le texte continue : il est bon de chanter à pleine voix et de tout cœur […] Heureuse nuit où le Christ brisant les liens de la mort s’est relevé victorieux des enfers. Ce chant, habillé de textes bibliques, déborde de vie. Un docteur de l’Église, saint Ambroise, écrit : vous sortirez du tombeau si vous écoutez la parole de Dieu. Si nous vivons l'Évangile que nous venons d'entendre. J'avais faim, j'étais nu, en prison.
Mais ce n’est pas évident de croire à cela. À son émission estivale du matin Bien entendu, l’animateur Stephan Bureau, le 26 juillet dernier, interrogeait le poète Gilles Vigneault sur sa foi à l’approche de ses 91 ans. Le poète lui donna cette réponse : je crois à l’âme. Ça n’a pas nui à mon corps jusqu’à maintenant. Je crois qu’on a quelque chose qui nous survit, après. C’est pourquoi j’ai dit dans [la chanson] Vivre debout, pour me survivre […] je chante pour vivre au-delà de la vie. Alors, qu’on me laisse m’éteindre comme une vieille chandelle, de ma belle mort, je trouve ça normal. Très souvent, je parle de ma mort, comme ça, avec beaucoup de légèreté. Ma blonde n’aime pas ça, et je la comprends, mais je trouve que ce n’est pas parler de ma mort qui la fait venir ou qui l’éloigne […]. La mort n’est pas un naufrage […] c’est accoster au quai […] c’est une fin de voyage. On n’a pas besoin de faire un naufrage de la mort. Il ajoute ces mots d’une profondeur abyssale, des mots de tout le monde, des chrétiens inclus, des nôtres aussi rien n’est plus sûr que le doute.
Pour vous en conclusion, ces mots de l’Ave Verum : dans l’épreuve de la mort, soit pour nous l’avant-goût de toi.
Qui mange de ce pain vivra éternellement. AMEN.
Voir autres réflexions sur le jour des morts :
https://www.diocesevalleyfield.org/fr/a-lire-pour-vivre/2009-b-jn-12-22-28-commemoration-des-defunts
[1] Varennes, Pierre Marie, Osez entrer dans la vie éternelle !, Magnificat, mai 2019.
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