Année C : samedi de la 2e semaine carême (litcc02s.19)
Lc 15,1-3; 11-32 : celui qui dénoue les noeuds
Ce texte n’a jamais fini de nous parler. Il faut toujours nous assurer qu’il nous parle encore, qu’il ouvre une porte encore inédite de sens. Monte en moi cette prière de Charles de Foucauld, que vous êtes bon, ô mon Dieu. Nous percevons ce Père comme miséricordieux. Nous comprenons rarement que Jésus vient de nous raconter l’histoire de la bonté. De sa bonté. Dieu seul est bon, dit Jésus au jeune homme riche (Mt 19, 17). Quand on accueille sans condition quelqu’un qui est tatoué de crimes, de révoltes ouvertes, cela demande de la bonté, de la tendresse.
Aujourd’hui, rien n’est plus insolite à notre monde qu’un être bon, observait Madeleine Delbrêl1 qui poursuit : aujourd’hui, la bonté est remplacée par l’indifférence individuelle ; par un cynisme implacable en économie ; par une cruauté perverse en politique ; par un mépris des autres sur la scène internationale. Le pape François déclarait dans l’homélie inaugurale de son pontificat (2013) : nous ne devons pas avoir peur de la bonté, de la ten-dresse. Aujourd’hui, être bon est perçu comme une faiblesse.
En lisant attentivement cette parabole, émerge l’image d’un père qui est bon. Sa bonté a un visage qu’il décrit bien dans sa réponse à son fils ainé : toi, tu es toujours avec moi (no 31). Tu es toujours en relation avec moi. Ce père semble dire à son fils : ton regard est-il mauvais parce que moi je suis bon (Mt 20, 15). Sa bienveillance lui a attiré la malveillance de son fils. Ce ne serait pas une bonté paternelle si le père n’arrivait pas à changer la rela-tion avec son fils. Il est bon ce père parce qu’il ne regarde pas la souffrance que son fils lui fait vivre. Il est bon parce qu’il s’empresse de se jeter à son cou, de s’agenouiller devant lui. Projetons un regard de bonté sur ce père. Compréhensif pour son fils, sa bonté crée des liens.
La majorité des psaumes anticipent cette bonté du père. Écoutez : l’éternel est bon ; sa bonté dure toujours. Sa fidélité de génération en génération (Ps 100, 5). Je dis : la bonté a des fondements éternels (Ps 89, 2). Combien [est] précieuse ta bonté, ô Dieu ! À l’ombre de tes ailes, les fils de l’homme cherchent un refuge (Ps 36, 7). Dès le matin, je célébrerai ta bonté. Car tu es pour moi un refuge au jour de ma détresse (Ps 59, 16). Ta bonté vaut mieux que la vie : mes lèvres célèbrent tes louanges (Ps 63, 3).
Ces psaumes et bien d’autres nous préparent à entrer dans le coeur de ce Père, à toucher sa bonté jusqu’au ravis-sement, jusqu’à devenir louange. Oui, quelqu’un nous montre ce qu’est être bon. La bonté du père, c’est son être même et son être est la bonté même (Augustin Guillerand, chartreux).
Il nous faut entendre la démarche du fils cadet comme une demande de rétablir une meilleure relation avec son père, comme un désir de retrouver un environnement sain. Ce désir de rebâtir sa relation avec son père est tel-lement fort en lui qu’il ne peut l’étouffer, la réprimer. La bonté du père, son accueil empathique vont recréer cette relation.
Portons attention à la bonté du père qui démêle les noeuds2 les plus emmêlés. Dans cette parabole, le noeud a le visage d’un besoin de ne plus vivre hors relation. Père, j’ai péché contre toi, j’ai brisé ma relation avec toi. Cette bonté nous la voyons sur le visage de visage de Marie, personnification de la bonté de son Fils, sur ceux des pa-rents qui ont un fils malade. Elle se voit sur le sourire du pape François et son accueil inconditionnel. Les anti-François contestent sa bonté qui est autre chose que la permissivité. Elle se déploie dans ces gestes humanitaires pour venir en aide aux migrants de toute culture. Nous l’admirons quand arrive une catastrophe écologique. La bonté est un tremplin pour continuer aujourd’hui de manifester l’attitude du Père à l’endroit des chercheurs de Dieu.
À votre contemplation : n’ayons pas peur d’être des protagonistes de bonté. Demandons-nous comment l’évangile de la bonté se porte en nous ? Dans notre église? Avons-nous un regard de bonté quand nous sommes
1 Delbrêl, Madeleine, Nous, gens de la rue
2 http://papefrancois.jeun.fr/t357-allocution-pour-les-journees-mariales, le noeud est bien présenté dans cette homélie.
blessés comme le Père ? Que cette parabole nous stimule à devenir des êtres de bonté relationnelle parce que la bonté démêle des noeuds. AMEN.
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