2109- funéraille d'un grand priant
saint Jean 5, 24-25, 28-30
Commençons par faire mémoire, dans notre coeur, de tout ce qu'il y a eu de beau, de grand, de vrai dans la vie de Robert. Ce qu'il a cherché à être au milieu des siens. Faire mémoire apporte un peu de soulagement à Louise, à ses enfants. Faire mémoire fait reculer un peu, si possible, la tristesse, redynamise la vie qui se poursuit. Prenons un instant de silence, faisons mémoire de l’amour de Robert pour les siens, de sa proximité, de sa disponibilité, de son grand cœur.
Plusieurs personnes ont l'intuition que la mort n'est pas le dernier mot de la vie ; qu'il y a un après ; mais la question demeure, là, terrible. Quel est cet après ? Une femme inuite, interrogée par un ethnologue sur ce qu'elle pensait de la mort, lui répondait : tu me demandes ce que c'est que la mort, je n'en sais rien, je n'ai appris qu'à vivre. Voilà ce qui décrit la vie de Robert. Il n’a appris qu’à vivre.
Pour certains, la mort est une porte qui se referme définitivement, elle n'ouvre sur rien. Pour d’autres, c’est une question sans réponse. Ce n'était pas la vision et l'espérance de Robert. Laissez-moi vous partager, sans l'imposer à quiconque, certains traits qui définissent le chemin de vie et de foi que Robert a parcouru et que je tire de l’évangile, parole de Dieu, que nous venons d’entendre.
Trois mots résument sa vie : le Christ, les siens, l’Église. Il aurait été d’accord avec ce qu’écrivait une mère de famille, Jeanne Schmitz-Rouly, dans son journal spirituel, retrouvé après sa mort en 1979 : c’est quand je n’existe plus que j’existe. Dans un tweet récent, le pape François écrivait: ce qui reste de la vie au seuil de l’éternité, ce n’est pas ce que nous avons gagné, mais ce que nous avons donné. Robert vient de donner ce qui lui restait à donner : sa vie. Sa vie qu’il a vécue en chrétien.
Qui écoute ma parole et croit en celui qui m’a envoyé obtient la vie éternelle […] il passe de la mort à la vie (Jn 5, 24). C’est le premier verset de l’évangile que nous venons d’entendre. À lui seul, il suffit à dire non seulement ce que fut la vie de Robert, mais ce qu’il fut lui-même : un homme qui a profondément écouté la parole de Dieu ; un homme qui a cru en Jésus-Christ, l’envoyé du Père. Un homme qui a mis en pratique la parole de Dieu. Un homme profondément humain, simple, sensible, généreux. L’identité chrétienne de Robert était bien connue. Pour moi vivre c’est le Christ (Ph 1, 21).
Ce verset de l’évangile est un condensé de toute la vie chrétienne comme Jésus nous y invite : Heureux qui écoute la parole de Dieu et qui la garde ! Celui qui croit a la vie éternelle. Comme c’est évident ! Comme c’est simple…du moins dans l’énoncé : écouter la parole de Dieu, la garder, c’est-à-dire y conformer sa vie, et croire en Jésus, l’envoyé du Père. Ce verset de l’évangile résume toute la vie de Robert, sa vie de baptisé. Sa vie de chrétien. Il ne préférait rien d’autre que Jésus, pas un Jésus en haut, mais un Jésus qu’il voyait dans les siens.
Padre Pio disait que le plus bel acte de foi était de voir Dieu dans les autres. Il ajoutait : il ne faut pas monter sur le Thabor (Mt 17,1) pour voir Dieu, mais le contempler dans nos Sinaï (Ex 24,18).
Sa vie quotidienne, vie d’une grande simplicité, était inspirée de la parole de Dieu. Il la connaissait par le cœur. Il n’avait que le Christ sur ses lèvres. Ses paroles manifestaient de la bonté. Robert dégageait une grande paix et sérénité. Il prenait le temps d’écouter la parole de Dieu. Il ne s’étonnait de rien de ce qui arrive à l’Église, son Église. Rien ne le désarmait. Il était un homme de grande foi qu’il puisait dans ses nombreux moments de prière, ses nombreuses lectures auprès de grands auteurs spirituels comme Jean de la Croix, Thérèse d’Avila, Newman et bien d’autres.
Dans un de ses romans, l’auteur Dostoieski fait dire au vieux Karamazov: si nous autres, nous ne croyons plus, c’est qu’on n’a pas le temps, les affaires nous absorbent, les jours n’ont que vingt-quatre heures. Robert prenait du temps pour bien vivre sa foi. Il veillait sur sa foi. J’ajoute : il veillait comme un moine sur sa foi. Heureux, le serviteur que le maître, à son arrivée, trouvera en train de veiller.
Quand il m’arrivait de célébrer l’eucharistie chez lui, avec Louise, à sa table, j’entendais Robert me dire en me regardant droit dans les yeux d’une voix paisible, sereine : je suis près. Il signifiait par là comment la mort ne lui faisait pas peur. Il s’inquiétait plutôt de Louise qui n’aura plus ses bras pour l’aider, sa disponibilité instantanée pour répondre à ses demandes. Il savait écouter les attentes de Louise.
Je termine cette réflexion en voyant, par imagination, Robert dire au Dieu de sa foi: enlève ton masque, Seigneur; je t’ai reconnu. Ça fait 76 ans que je reconnais ton visage dans le regard des autres. Je suis heureux maintenant de te voir en face à face.
Entrons dans la prière d’un grand merci, celle de l’eucharistie, qui laisse entrevoir dans la foi, le commencement d’une humanité qui n’est pas de ce monde. AMEN.
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