Célébration de la Parole au salon :
Jean 14, 1-12: quelque chose est arrivé à la mort
ACCUEIL : LA MORT, C’EST LA VIE QUI SE RECUEILLE, RECUEILLONS-NOUS (Magdaleth).
En ouvrant ce temps d'élévation - élevons nos cœurs - je vous offre mes yeux de croyant. Je vous invite à projeter sur ce rendez-vous, certains diront d'adieu, d'autres dont je suis, sur ce rendez-vous commencement d'une espèce de vie nouvelle, des yeux de Pâques, d’Ascension, des yeux capables de voir dans la mort, la vie, dans cette séparation, le commencement d'une communion nouvelle avec Raymond.
Ma dernière rencontre avec Raymond remonte au 6 mai dernier. Ce jour-là, je lui ai donné le sacrement des malades. Ce fut un grand moment de foi. Raymond l’a vécu intensément et avec sérénité. Et quand je l’ai invité à redire souvent la finale de la prière de Marie, prie pour moi Marie maintenant et à l’heure de ma mort, ses yeux transfiguraient une grande paix intérieure. Un faible sourire fut sa réponse, son oui à cette fin de vie qu’il voyait venir.
Je vous suggère de vivre ce dernier rendez-vous, humainement déchirant, avec la même paix intérieure qui l’habitait, avec la même foi et sérénité que la sienne. Pas facile parce que nos yeux sont embrouillés par la douleur et la peine.
Faisons silence, entrons dans ce qui est plus grand que la mort. Ne dites pas mourir, disait Victor Hugo. Dites naître [et] croyez ce que vous dites. L’existence humaine n'est pas un fatal compte à rebours, mais les prémices d'une vie sans fin.
HOMÉLIE SUR JEAN 14, 1-12
Y-a-t-il plus belle parole que cela : je m’en vais vous préparer une place. Et celui qui dit cela, n’est pas n’importe qui. C’est Jésus. Si je comprends bien ce que dit Jésus, c’est qu’il ne retourne pas seul chez son Père. Il nous ramène avec lui. Notre humanité entre au ciel pour la première fois. Voilà la bonne nouvelle semée dans nos cœurs par les témoins de l’Ascension de Jésus.
Au matin de Pâques, c’est à une femme, Marie-Madeleine, une ex-prostituée, appelée l’apôtre des apôtres, à qui Jésus a confié d’aller dire qu’il est retourné chez son Père. Qu’il est vivant. À l’Ascension, Jésus en rajoute. Je reviendrai vous prendre avec moi (Jn 14, 3). Là où je suis là aussi sera mon serviteur (Jn 12, 26). L’apôtre Pierre écrit, et c’est très beau, trop beau peut-être pour nos oreilles axées souvent sur l’éphémère : nous sommes participants de la nature divine (2 Pi 4, 2).
Cette scène, Jésus s’élevant au plus haut des cieux en présence des apôtres, fait jaillir en moi cette certitude qu’aucune idéologie athéiste, qu’aucune culture laïque ne pourra étouffer. Ce jour de l’Ascension, veille de ce jour où Raymond nous a quittés, a été le premier jour où la peine de mort a été abolie. Non pas la peine de la condamnation à mort d’un criminel, mais notre mort, celle de Raymond, la nôtre aussi.
Le chrétien, c’est celui qui croit que quelque chose est arrivé à Jésus. Il est sorti vivant de la mort. Ce quelque chose a fait dire au prieur Christophe de Tibhirine, assassiné en Algérie et dont le film Des hommes et des dieux a ravi la planète: je suis ressuscité, je peux donc mourir. Ce quelque chose est un chemin pour nous sortir de cette maudite question éternelle, comme l’exprimait l’écrivain Dostoïevski. Ce quelque chose a fait dire à la petite Thérèse de l’Enfant-Jésus : je ne pars pas, j’arrive chez Dieu. Un grand priant du siècle dernier, Dom Augustin Guillerand, traduit ce quelque chose dans des mots ravissements : nos jours s’en vont, mais Dieu accepte de les prolonger en les faisant entrer dans Le sien.
Ce quelque chose, toutes les religions du monde en font la une de leur foi. Une prière musulmane dit : ô mon Dieu, c’est toi qui l’as rappelé, c’est toi qui le ressusciteras. Venant d’une culture non chrétienne, la culture hindouiste, le poète Rabindranath Tagore, du XIXe siècle, écrit : la mort n'est pas éteindre la lumière ; c'est éteindre la lampe parce que l'aube est arrivée. Une prière issue de la culture hawaïenne dit : ma vie ne s’arrête pas ici […]. Il est temps maintenant que je poursuivre ma route […]. Je ne serai pas loin […] puis quand vous viendrez à votre tour par ici, je vous dirai, bienvenue chez nous.
La mort n’est qu’une porte, un passage vers ce quelque chose qui est arrivé à Jésus. La vie n’est pas détruite elle est transformée, dit la préface des défunts. Raymond vient de prendre ce passage vers ce quelque chose qui est arrivé à Jésus.
Je ne vous impose pas cette vision de la mort. Je la dépose dans la corbeille de vos nombreuses questions sur le sens de la vie. Cette vision de la vie, ce quelque chose qui est arrivé à la vie, donne sens, met un peu de baume sur la douleur que nous éprouvons autour des cendres de Raymond.
Raymond a vécu en humain. Il était serviable. Il ne se plaignait jamais. Mon héros, me disait l’un de ses enfants. Il ne comptait pas son temps pour les autres, pour sa famille. Il se préoccupait beaucoup ces derniers temps de Thérèse dont il prenait grand soin. Il aurait pu signer ce qu’un enfant de 7 ans disait sur le sens de la mort : la mort, c’est la vie que l’on donne après avoir tout donné. Raymond vient de nous donner, ce qu’il avait à nous donner, sa vie.
Raymond voit ce que nous croyons. Il vit pleinement ce que nous espérons. Le lien d’amour qui nous unit à lui ne disparaîtra jamais.
Élevons nos cœurs, prenons de la hauteur et voyons dans ces cendres de la poussière divinisée, le commencement d’une espèce de vie nouvelle, un passage, une porte qui s’ouvre sur un printemps sans fin.
PRIÈRE FINALE : UN AMOUR M’ATTEND
Ce qui se passera de l’autre côté quand tout pour moi aura basculé dans l’éternité
Je ne le sais pas. Je crois, je crois seulement
Qu’un Amour m’attend.
Je sais pourtant qu’alors il me faudra faire, pauvre et sans poids, le bilan de moi.
Mais ne pensez pas que je désespère
Je crois, je crois tellement
Qu’un Amour m’attend.
Quand je meurs, ne pleurez pas ; C’est un amour qui me prend.
Je crois, je crois simplement
Qu’un amour m’attend.
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