Année B: samedi de l’octave de Pâques (litbp00s.18)
Marc 16, 9-15 : va trouver mes frères
C’est dans un contexte de mort que le Vivant se montre. Chaque manifestation de Jésus se fait dans un contexte de mort. Eux, apôtres, qui ont tout quitté pour suivre Jésus (cf. Mc 1, 16-20) n’en mènent pas large. Il ne leur reste pas grand-chose de leur émerveillement. Pas grand chose à leur audace de s’aventurer sur les routes. Pas grand-chose tant ils sont pétrifiés, incapables de se libérer de leur immense déception, de leur colère de s’être fait avoir par un prédicateur si envoutant. Pas grand-chose de l’annonce de Jésus les prévenants qu’il connaîtra la mort. Mais cela ne t’arrivera pas (Mt 16, 22) a répondu le fougueux Pierre qui s’engage même à dégainer son épée (cf. Lc 22, 49-51). L’enthousiasme qui ne leur fait pas craindre la prison et même jusqu’à risquer leur vie, maître à qui irons-nous (Cf. Lc 22, 33) est remplacé par des heures de désarroi et de trouble.
Les voilà, ensemble, pour verbaliser, se libérer de leur immense chagrin (Cf. Mc 8, 31-33). Et c’est là, dans un contexte de mort où personne n’a le cœur à rire tant ils passent un mauvais quart d’heure, que quelque chose les bouleverse. Ils éprouvent qu’une Présence les réchauffe. Qu’un souffle de vie, qu’une reprise de souffle les aiguillonne. Qu’une joie, qu’une grande paix les habite. Jésus n’apparaît pas pour prouver qu’il a vaincu la mort. Il se rend visible pour montrer qu’il est vivant. Pour les rendre vivant. Pour les sortir de leur torpeur. Va trouver mes frères.
Il a fallu trois jours à Marie Madeleine pour s’écrier : Rabbouni, Maître. Il a fallu l’angoisse et la colère des disciples retournant chez eux pour reconnaître que ce voyageur qui fait route avec eux, c’est ce Jésus dont il raconte ce qui s’est passé. Il a fallu l’absence de Thomas à une réunion des apôtres pour déclarer Mon Seigneur et mon Dieu. Ça prend du temps pour culbuter dans la joie après avoir vécu des heures de désarroi insupportable.
Vous le savez, même ici dans cette terre abbatiale, ça prend du temps pour être des femmes de Pâques, des femmes de lumière. La foi de Pâques consiste en ce que le cœur illumine nos yeux jusqu’à voir que Dieu est toujours en train d’accompagner la vie, surtout quand elle est crucifiée. Pâques ne se comprend que dans une manière de vivre, celle de demeurer dans la joie au milieu d’un monde débordant de haine.
Notre Église connaît présentement tous les symptômes que vivaient les apôtres. Enthousiasme moindre, lenteur à se détacher d’un langage d’un autre monde, perte de la joie tant les malheurs l’écrasent. Nous vivons un temps favorable pour sortir de nos tombeaux de la routine, pour plus que dépoussiérer nos manières de faire, mais pour rénover entièrement nos modes d’annoncer Jésus. Notre Église est en état de rencontrer le Vivant. De retrouver sa joie des premières années.
Pâques n’est pas arrivée une fois, il y a deux mille ans. Pâques éclate dans les cœurs chaque fois que la vie renaît, et la vie est une renaissance quotidienne. L’apercevons-nous ? Renaissons-nous chaque jour ? Comment ?
La foi pascale n’a rien à voir avec des éléments physiques. La foi de Pâques nous donne des yeux capable de voir que la Vivant est toujours là entrain d’accompagner la vie, surtout quand elle est crucifiée, maltraitée comme présentement.
Soyons réaliste. Si nous regardons dehors par la fenêtre rien n’est changé. Mais nos yeux ne voient pas toujours ce troisième jour. L’essentiel est invisible dit-on. Nos yeux percent ce visible désolant, déprimant quand nos coeurs s’illuminent par une rencontre vraie avec le Vivant.
Le miracle aujourd’hui, c’est de nous donner de bien voir, d’ouvrir la fenêtre de nos cœurs pour nous exclamer : Maître, c’est toi. Quelle est belle cette épiphanie pascale que nous rassemble. AMEN.
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