Année B : dimanche du corps et du sang du Christ
Mc 14, 12-26 ; Ex 28, 4-8 ; He 9, 11-15 : Héritage et espérance
Nous venons d’entendre à travers ces trois lectures le récit de l’histoire du salut débuté avec Abraham, scellé avec Moïse et réalisé par ces paroles de Jésus : ceci est mon corps, ceci est mon sang. Devant cette histoire, Angèle de Foligno disait et cela s’adresse à nous pasteurs : si le prédicateur, au moment de parler, arrivait à voir l’ineffable […], il dirait à la foule : Allez-vous-en, car je suis incapable de parler de Dieu, je suis insuffisant.
Vous et moi éprouvons cela devant cette fête de l’eucharistie centre et sommet de cette histoire et qui est plus qu’un salut au très saint sacrement, plus que de communier au Corps du Christ, plus qu’une occasion de se retrouver, de se sentir bien ensemble. L’eucharistie, c’est Jésus qui «crée» une fois pour toutes pour nous ce qu’il est. Si Jésus avait possédé quelque chose de plus précieux que ce pain, il nous l’aurait donné (Isaac le Syrien).
Croire et savoir cela n’est pas suffisant. Goûter ce pain n’est pas suffisant. Quand nous disons amen en recevant le Corps du Christ, ce n’est pas une formule de politesse ou pur ritualisme, c’est accepter de devenir ce que tu manges (Augustin). C’est comme si le Sauveur me disait : par la communion tu vivras pour moi, car je serai vivant en toi (Saint-Pierre Eymard). Père très bon, ceux qui vont recevoir le Corps du Christ, fait qu’ils deviennent ensemble par la force de l’Esprit saint, le Corps de ton Fils ressuscité (prière eucharistique no 4).
Cette réflexion du pape François lors d’une audience récente est belle (4/4/18) : quand je sors de la messe je dois sortir meilleur que je suis entré avec davantage de vie, davantage d’énergie pour témoigner de Jésus. Sortir meilleur parce que je sors en «christophore».
Questions : avons-nous encore de l’émerveillement pour ce pain ? Avons-nous les yeux ouverts sur l’émerveillement d’un Dieu qui se donne en nourriture ? Marc nous dit au verset suivant notre évangile que Pierre ne s’est pas toujours tenu en état d’émerveillement. Savons-nous avec émerveillement faire cela en mémoire de moi ? Je dépose ces questions dans la corbeille de vos cœurs où se trouve mélangée toute vie de foi.
Nous célébrons aussi la clôture du 125e anniversaire du diocèse qui fut beaucoup plus qu’une série de rencontres, de rassemblements, de visites pèlerinage à la basilique cathédrale. Ce fut un temps pour redécouvrir la joie de croire et retrouver l’enthousiasme de communiquer la foi (Benoît XVI, La porte de la foi, 2011, no 7).
Cette année a permis de voir autre chose que de la cendre. Plusieurs ne voient aujourd’hui que de la cendre. Ils en voient tellement qu’ils restent immobiles jusqu’à déprimer et vivre d’une espérance qui avorte. D’une espérance où le cœur n’y est plus. Le noir n’est pas un mot chrétien.
Les rassemblements multiples ont fait émerger une question salutaire plus importante que de broyer du noir : avons-nous encore le feu de l’évangile en nous ? Avons-nous encore la bougeotte d’agir et de faire briller l’évangile ? Le temps n’est pas à broyer du noir, mais à découvrir ensemble, en Église, la braise sous la cendre.
Les jeunes et les moins jeunes ont été frappés d’émotions en découvrant que nous ne sommes pas sur terre pour garder un musée, mais pour entretenir un jardin florissant, comme l’exprimait en ouverture du concile le pape Jean XXIII. Nous ne sommes pas des chrétiens de statistiques, des chrétiens de sondage, mais des allumeurs d’incendie.
Ce matin, nous participons à l’Action de grâce de Jésus qui au soir de sa vie nous envoie préparer la table où il pourra s’asseoir et jaser avec nous et à celle de notre Église qui découvre que la braise dans les cœurs n’est pas éteinte malgré l’amoncellement de cendre. Elle a seulement besoin d’allumeurs d’incendie.
Oui, rendons grâce à Dieu pour tout le bien qu’il m’a fait, disait le psalmiste, tantôt, qui ajoutait ceci: j’élèverai la coupe du salut et j’invoquerai son nom.
Rendons grâce
- Pour ce geste de Jésus qui en s’offrant en nourriture, réanimait la braise dans le cœur de ses collaborateurs passablement amochés, apeurés par l’annonce de sa mort.
- Pour avoir durant cette année du 125e anniversaire du diocèse, dépouillé beaucoup d’idoles (évacué des noirceurs, des déceptions petites et grandes) que nous avons (Pape François, 14 avril 2013) sur l’Église.
- Pour cette découverte apaisante qu’une braise chaude sous la cendre appelle à être réanimée.
- De sentir la fraicheur de l’évangile sur notre peau et jusqu’au fond de nous-mêmes.
- De vivre d’un seul cœur et d’une seule âme (Ac 4, 32).
Le temps n’est plus à nous demander si l’Église peut encore bouger, mais de nous demander qu’est-ce que je peux faire pour l’Église ? En conclusion de cette année jubilaire, cette question est adressée à chacun et chacune d’entre nous. Nous sommes tous l’Église. Ne vivons plus derrière des portes closes, hermétiquement refermées par peur de se déclarer chrétiens. Mettons-nous en marche, remettons-nous en marche. Cherchons ensemble la braise sous la cendre et le feu pourra se réanimer. Amen.
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