Année B : mercredi de l’octave de Pâques (litbp00me.18)
Lc 24, 13-35 : la résurrection marchait à leurs cotés
Il est gravement erroné de songer un seul instant que nous ne sommes pas concernés par la démarche des disciples d’Emmaüs. Le seul fait d’être humain nous fait désirer, à certaines occasions, à rebrousser chemin, tout lâcher, nous désengager, et retourner dans nos Emmaüs. Comme chrétiens, nous vivons tous des heures de grand désarroi. De grande remise en question où l’impression de ne plus croire en rien nous foudroie. Alors nous prenons le large.
Emmaüs n’est pas un récit voué à nous faire prendre conscience de nos marches en arrière. C’est un récit qui nous plonge dans le réel de nos vies. La «grandeur» des disciples d’Emmaüs, c’est d’être partie prenante du «commun des mortels». Leur retour dans leur région natale d’Emmaüs met en pleine lumière leur cécité spirituelle. Leur manque de foi. Ils ont entendu Jésus, mais sa parole n’a pas pleinement atteint leur cœur.
Mais quelle est cette cécité ? Durant des mois de fréquentation avec Jésus, ils se sont moulés à lui, copiant à distance son comportement. Ils vivent un voyage de rêve. Jésus les déracine d’une religion sans âme. Ils sont séduits par un chemin où la rigueur de la loi n’écrase plus les non-pratiquants de cette loi. Quelque chose les attire dans ce refus de Jésus de décider pour les gens de la qualité de leur foi. Pour eux, Jésus est un libérateur.
Sa fin de vie horrible les fait culbuter dans le doute qu’ils entretiennent inconsciemment, même si Jésus les impressionne par la nouveauté de sa parole. C’est trop beau pour être vrai. Ils s’en retournent piteux de s’être fait avoir par le charmeur Jésus. C’est l’histoire d’un échec.
Jésus n’est pas vraiment dans leur cœur. Ils n’ont pas épousé la profondeur de cette grande annonce : il n’est pas ici (Lc 24, 11) qui signifie qu’il n’est plus ici, mais ailleurs. Sur la route de leur retour, c’est en racontant la fin de leur séduction à un étranger qu’ils sont étonnés de le sentir si proche. Son attitude et sa compréhension des événements les sortent subtilement de leur tombeau.
Ce récit est une icône de lecture de nos vies de croyants. Nous, aussi, avons besoin d’être accompagnés dans notre vie de foi. En nous, aussi, rien n’est en effet jamais certain. Une vie où tout est clair n’est pas une vie. Un évangile où tout est clair n’est pas l’évangile. Allons plus loin, une Église où tout est clair n’est pas catholique (Werlen, Martin, osb, Vivre les yeux ouverts, Éd. Saint Martin, 2015).
Question : et si c’est l’étranger, celui qui jase avec nous, qui s’assoie près de nous le matin dans le métro en allant au travail, qui nous réchauffe le cœur tant sa manière de vivre l’évangile fait sens ? C’est à cela que songe probablement le pape en invitant des jeunes qui sont loin de l’Église à participer au synode des jeunes. Eux, étrangers, n’ont-ils pas quelque chose à nous dire ?
Beaucoup de jeunes qui sont loin de l’Église ont de bonnes raisons de l’être. Ils ne comprennent pas notre langue. Ils ne se sentent pas rejoints dans leurs besoins. Peut-être ont-ils été amèrement déçus, profondément blessés dans des rencontres avec des prêtres ? Me revient en mémoire ce que saint Benoît demande dans sa règle. Quand un hôte fait une critique, réfléchis sagement, peut-être que c’est par lui que le Seigneur veut te dire quelque chose.
À votre contemplation : l’étranger Jésus, il l’est pour plusieurs d’entre nous, pose un geste d’amitié en nous invitant maintenant à sa table. L’eucharistie est une marque d’amitié que l’étranger Jésus nous offre parce que nous sommes, lui et moi, deux amis. Ce pain, c’est Jésus qu’on ne peut que vaguement identifier à cause de la pénombre de la nuit; mais une fois attablés, il nous réchauffe le cœur. AMEN.
Ajouter un commentaire