Année B : samedi de la 7e semaine de Pâques (litbp07s.18)
Jn 21, 20-25 ; Ac 25,13-21 : mourir à nos petites et grandes idoles
Jean fait allusion à ce disciple qui ne mourra pas. Ne dévions pas notre regard sur Jean, regardons-nous. Qu’est-ce qui ne meurt pas en nous ? Ma question peut surprendre. Y répondre ouvre une brèche qui permet un petit pas d’oie dans notre vie spirituelle.
Il y a l’odeur de l’esprit de l’évangile dans cet appel à mourir à nos idoles pour ne pas mourir. Tout, dans cette finale de Jean, converge vers le Christ. Pour vivre, ne pas mourir, il faut se poser une question ; avons-nous vraiment besoin de nos petites et grandes idoles que nous avons[1] et qui font obstacle à n’adorer que Dieu seul ?
Se fabriquer beaucoup d’idoles plus subtiles les unes que les autres est le danger qui ronge nos vies. Lors de la messe chrismale, le pape parlait du danger de se faire idoles de certaines vérités abstraites. Ce sont des idoles commodes, à portée de main […]. La vérité-idole se déguise, elle utilise les paroles évangéliques comme un vêtement, mais elle ne permet pas de toucher le cœur. Elle nous éloigne de notre proximité avec la Parole.
Nous savons bien que Dieu est unique, qu’il est l’unique de nos vies, qu’il n’y a pas d’autre Dieu que lui. Pourtant nous sommes tous esclaves de quelque chose qui nous détourne de ne «savoir». En nous, il y a une idole qui ne meure pas. Même si Paul déclare aux Corinthiens que l’idole n’est rien dans le monde, que c’est une chimère, une entité d’évasion, personne n’est assez sage pour rejeter complètement ce qui est fou. Ne nous rendons pas malheureux à croire que nous ne sommes esclaves de rien[2]. Il y aura toujours en nous ce petit quelque chose dont nous ne nous débarrassons pas qui occupe beaucoup d’espace, obstrue notre vie d’adoratrice du Père et anesthésie sa beauté.
Faire la liste de ce qui ne meurt pas en nous, risquerait d’assombrir notre enthousiasme à mener une vie d’évangile. Cela pourrait accroître l’acédie, cette maladie de la déprime, de l’inquiétude. Ici, ce n’est pas l’idole de l’argent, l’idole du vedettariat, c’est l’idole de la perfection qui nous empêche de laisser Dieu nous admirer avec nos failles. J’ai en mémoire ce dialogue de saint Jérôme qui exprime à Dieu qu’il lui a tout donné et qui entend ce Dieu lui dire : tu ne m’as pas encore tout donné, il te reste à me donner tes péchés. Jérôme ne voulait pas mourir à ce quelque chose qui le tiraillait. Et nous ?
Dire un vrai non, un non authentique à nos idoles mêmes les plus cachées, n’est pas facile. Le grand défi est de ne pas les aimer, de ne pas nous en fabriquer aussi comme une voie subtile d’éviter une vraie présence à Dieu. Le mal que ne je veux pas, je le fais (Rm 7, 19).
Dans son exhortation La joie de l’évangile, le pape parle du risque de se refermer sur ses propres intérêts (no 2). Sur nos idoles. Pour atténuer ce qui ne meure pas en nous, le pape suggère la joie comme remède. La joie de rencontrer le Christ dans la prière personnelle et communautaire. La joie de goûter et de faire goûter la Parole de Dieu, nourriture qui atténue nos paralysies de toutes sortes. Joie de vivre dans une vraie fraternité, de former une communauté au nom de Jésus. Les Actes dans la première lecture nous montrent Paul avec une force, un dynamisme foudroyant qui impressionne. Sa joie est si grande d’appartenir au Christ, qu’il ne peut se faire.
À la fin de son évangile, Jean à travers cette jalousie des autres disciples à entendre dire qu’il ne mourra pas, nous lance tout un défi, celui d’apprendre à mourir à ce quelque chose qui ne semble pas mourir en nous. Celui d’apprendre à regarder Jésus, le regarder sur la Croix, comme nous y invite Claire d’Assise quand mordue par le venin du serpent (Nombres 21,4-9) qu’est ce penchant naturel à rechercher ce qui me plait, à éviter une consœur dont la fragilité m’agace.
À votre contemplation une question à partager entre vous : comment est-ce que je porte cette écharde qu’est cette idole cachée au tréfonds de ma vie qui ne veut pas mourir et qui m’empêche d’adorer le Seigneur qui me veut tout à lui plutôt que tout à moi ? Y répondre, c’est nous aider à porter le fardeau les uns des autres (Gal 6,2).
[2] Hennezel, Marie de, Une vie pour se mettre au monde, Carnets Nord, Paris, 2010
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