Année B : samedi de la 4e semaine de Pâques (litbp04s.18)
Jn 14, 7-14 ; Ac 13, 44-52 : magnifier le Père
Si j’avais un Dieu que je puisse connaître, je ne le tiendrais plus pour Dieu. Ces mots sont d’un grand priant, maître Eckhart. Philippe utilise une demande pour exprimer la même réalité. Sa question (montre-nous le Père) laisse transparaître une autre question : quel Dieu Jésus nous présente-t-il ? Quel Dieu nous fait-il connaître ? Quel Dieu voulons-nous voir ? Quel Dieu magnifions-nous ? Un chemin de réponse est esquissé par le prophète Élie, persécuté, désespéré, quand allant à la montagne sainte, Dieu lui annonce qu’il va passer devant lui.
Un vent violent. Un tremblement de terre. Un feu ardent. Dieu n’était pas là. Et le texte ajoute que vint le bruit d’un silence ténu et Dieu était là. Que pouvons-nous ajouter de plus. Connaître le Père, c’est entendre le bruit du silence, d’un silence ténu. Les psaumes sont des cris d’impuissance à connaître Dieu. Pourquoi, Yahvé, te caches-tu au temps de détresse (Ps 10). Jusques à quand vas-tu me cacher ta face (Ps 13). Mon Dieu, le jour je t’appelle et tu ne me réponds pas (Ps 22). Dieu se comprend dans l’insaisissable. Dieu est une présence qui appelle à entrer au fond de soi-même pour y entendre le bruit d’un silence ténu. Dieu est si grand qu'il dépasse toute parole humaine (cf. Job 36,26).
Il en fut ainsi de Jésus. Une lecture superficielle des évangiles peut laisser penser que dans la vie de Jésus, le Père est une évidence. Pourtant le Jésus de Marc donne vigoureusement cette consigne du silence à ses disciples comme pour leur signifier que ce n’est pas si évident que cela de parler de Dieu. De son Père. On dirait qu’il n’aime pas qu’on parle officiellement de lui.
Il n'est pas évident de connaître quelqu’un dont la visibilité se cache dans la crèche où il dort. C’est là, dans le dénuement, que Jésus commence son travail d’exégète du Père. Il le poursuit sous les traits du fils de Joseph et c’est sur la croix qu’il en manifestera sa grandeur. Pas évident cette connaissance de quelqu’un dont nul n'a jamais vu (Jn 1, 18); Jean ajoute (et c’est très profond): c’est quand nous nous aimons les uns les autres (1 Jn 4, 12) que nous le connaissons, le contemplons.
Connaître le Père est une mission impossible. En vivre dans la joie (première lecture) en nous aimant nous est accessible. Pourtant que de discours théoriques, théologiques, anthropologiques sur Dieu dans les temples, les églises, les synagogues, les mosquées ! Que de publications, de revues, de magazines, de sites internet ! Augustin lui-même après avoir dit que la question de Dieu ne se pose pas, qu’il est une évidence, termine par ces mots : que peut-on dire en parlant de toi, mon Dieu ?
Il n'est pas évident, pour connaître le Père, d’entrer dans le bruit d’un silence ténu (1 Roi 19, 12). Pouvons-nous vraiment y entrer alors que Jésus lui-même avait peine à nous le décrire ? Que signifie être dans le Père et le Père en moi? C’est une affirmation «condensée», une sorte de mot de la fin quand on est à court d’explication. Il faut évangéliser cette déclaration de Jésus, la vivre dans le bruit d’un silence ténu. Que de verbiage futile et peu constructif est dit sur cette mutuelle «demeurance» de l’un dans l’autre.
Ce matin, cette connaissance conduit à magnifier le Père et le Fils. Magnifier, c’est faire grand, c’est montrer la grandeur de quelqu’un. C’est rendre beau, fort, important. Magnifier, c’est un mot dangereux parce qu'il élève l’autre. Il faut qu’il croisse et que je décroisse (Jn 3,30), disait Jean-Baptiste. Cela s’applique à Jésus qui fait grand, exalte son Père qui le fait grand, l’exalte à son tour. C’est le mot d’ouverture de l’attitude de Marie qui fait grand ce projet de Dieu sur elle et qui la fait grande dans sa petitesse. Ce sont nos mots quotidiens.
À votre contemplation : Jésus n’avait pas une connaissance catholique de son Père. Un Père catholique, ça n’existe pas (Pape François). Pour connaître le Père, il faut entrer en soi. Les meilleurs chemins pour le connaître ne sont pas les bruits médiatiques, ce sont des vies, comme la vôtre ici, capables d’entendre le bruit d’un silence ténu. AMEN.
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