Année A- samedi de la 6e semaine ordinaire (lita06s.17)
Marc 9 2-13 : sur quelle montagne vivons-nous notre foi ?
D’abord une observation. Les proches de Jésus, à commencer par Pierre, Jacques et Jean, avaient déjà pris des habitudes : avec Jésus, ils se retiraient à l’écart pour prier. Revigorés, plus forts, ils redescendaient dans la plaine. Ils savaient. Ils croyaient savoir qui était Jésus.
Aujourd’hui, sur la montagne, Jésus ne les invite pas à prier avec lui. Il veut qu’ils soient témoins de ce qu’il est réellement, un Homme-Dieu. Conscient que ses disciples en ont plein la vue, Jésus leur impose de n’en dire rien de peur qu’ils en trahissent la beauté.
Une question surgit en moi: sur quelle montagne Jésus m’a-t-il montré qui il est ? Sur la montagne de béatitudes où Dieu me présente sa chartre de bonheur ? Sur le mont des Oliviers, jusqu’au rocher du Golgotha où il me montre sa passion de nous aimer malgré nos failles ? De quelle montagne Dieu vous a-t-il appelé jusqu’ici et sur quelle montagne aujourd’hui, il vous attend pour vous transfigurer jusqu’à désirer y bâtir une demeure et ne plus en sortir ?
La montagne, c’est un lieu de détachement de la plaine, un lieu qui nous fait quitter le quotidien et une certaine routine, un lieu de rencontre où une brise légère, une nuée nous habille de son ombre, un lieu mystique où le temps s’arrête et engendre cette forte sensation d'être habité d’une présence. Mieux, que je suis en présence d’une présence.
Nous sommes sur la haute montagne quand un profond silence nous habite ou que nous contemplons la beauté imprenable d’un vaste horizon. C’est souvent là que nos vies prennent sens. C’est là, quand c’est trop beau, que nous perdons la parole, que nos yeux se brouillent, que la confusion nous habite et que nous sentons le mystère. C’est là que naît en nous le besoin de taire ce que nous vivons tant nos paroles risquent d’atténuer l’innommable de ce que nous vivons. La montagne sculpte nos regards, permet de voir ce que nous n’avons jamais vu jusque-là.
Et ce matin, invités sur cette montagne, que voyons-nous ? Une blancheur telle que personne sur terre ne peut obtenir une blancheur pareille. Une beauté indescriptible, impeccable, hors catégorie. Nous voyons que Dieu a pour manteau la lumière (Ps 103). Nous entendons Angelus Silesius (1624-1677) nous dire : si tu perds cette lumière, sache que tu n’as pas encore perdu Dieu même. Si nous perdons toute perception lumineuse de l’être humain transfiguré qu’est Jésus, nous n’avons pas encore perdu Dieu. Que c’est beau et profond !
Avec cette théophanie de Jésus, nous vivons la sensation très forte de tomber de notre cheval, et d'éliminer complètement toute suffisance. Paul perdit cette suffisance quand il vit une grande lumière venant du ciel [qui l’] enveloppa de sa clarté (Ac 22, 6) et qu'il entendit une voix lui dire : pourquoi me persécutes-tu ? Cette rencontre, cette théophanie sur la route de Damas, changea complètement sa vie.
Comment change-t-elle notre vie? Je risque une réponse : elle change nos vies quand nous écoutons cette même voix nous dire : celui que tu vois est mon fils bien-aimé. Cette voix vient balayer tout risque de chercher son bien personnel aux dépens des autres. Elle nous évite de vivre courbés sur nous- mêmes (cf. Lc 13, 11). Entendons cette voix nous dire: écoutez-le. La foi est une façon d’entendre et d’accueillir les réalités qu’on ne voit pas (He 11, 1).
Sur la montagne, en un instant, se vit tout l’évangile. Toute l’histoire du monde. Cette page est pour nous un aujourd’hui. Aujourd’hui, je t’ai engendré (Ps 2, et 94). Si vous écoutiez ma voix. Faisons nôtre l’exclamation de Pierre : il est heureux que nous soyons ici. Elle exprime notre bonheur de connaître Jésus, notre bonheur d’être par le baptême, ses disciples, ses amis, ses témoins de sa lumière. Chacune de nos vies est comme de multiples rayons de lumière qui jaillissent du Christ transfiguré.
Vivons de ce que nous voyons, prenons le chemin de la gloire de la Croix et nous serons des «transfigurateurs » de notre monde. AMEN.
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