Année A: mardi de la 1re semaine ordinaire (litao01m.17)
Marc 1, 21-28 : la beauté de l’effacement
Quelle étonnante demande de la part de Jésus? Ne parle pas de moi, lui demande-t-il. Ne me fais pas de publicité, car tu risques de mal me faire connaître. Jésus est sorti de son Père, est venu vers nous pour des motifs de charité et non pour promouvoir un culte à sa personne. Dans son être profond, dans sa nature profonde, le premier réflexe de Jésus est de ne pas se faire admirer, de ne pas se faire dire qu’il est beau, gentil et fin.
C’est en imposant le silence que Jésus inaugure chez Marc, un jour de sabbat et dans la synagogue, sa prise de parole. Plutôt que de parler de lui, Jésus invite à se taire parce qu’il se méfie des contrefaçons qui le représentent. Dans cet ordre donné à Satan de taire son identité, Jésus refuse d’être publicisé à bon marché. Il questionne la connaissance de celui qui prétend le connaître. Sa logique n’est pas de se promouvoir, de détenir les premiers rangs. Il renverse la logique mondaine, celle du pouvoir, du commandement. Il appelle a un renversement de perspective, très différent de ces intellectuels de la religion où tout est résolu par la loi.
L’essentiel de ce tais-toi ouvre sur une autre vie que celle de l’extérieur, que celle du visible. Alors que les chefs religieux fondent tout sur le visible, Jésus s’intéresse à notre terre intérieure pour éviter qu’elle se dessèche. Tais-toi pour mieux me contempler. Me regarder.
Jésus ne cherche aucunement à impressionner, à se donner une grande notoriété, ni à être au premier rang du palmarès des gens les plus importants ou riches. Il ne désire même pas faire bonne impression chez les auditeurs de la synagogue en leur disant ce qu’ils veulent savoir. Il souhaite seulement que son enseignement, sa parole, rejoigne le fond des cœurs. En ouverture de son évangile, Marc propose le plus beau des voyages qui retentira tout au long de son bref évangile : contempler le mystère Jésus.
À nos yeux humains, cette demande, tais-toi, est incompréhensible. C’est une belle occasion manquée de publiciser son projet de société qu’il appelle son royaume. Mais, dans cette demande, se cache toute la spiritualité de Jésus, tout son projet évangélique. Il ne recherche pas des effets spéciaux, spectaculaires pour attirer des admirateurs de sa personne.
Il veut des contemplatifs des petites choses du quotidien. C’est là, dans ce «lieu» des petites choses, des petits gestes anodins que se cachent de grandes choses, une richesse insoupçonnée. La logique de Noël [ de l’évangile] est le renversement de la logique mondaine, de la logique du pouvoir, de la logique du commandement, de la logique pharisienne (François, discours à la curie, 22/12/16).
Cette demande de Jésus, tais-toi, ramène à notre réflexion que le plus merveilleux se vit hors de toutes actions d’éclat. Dévoiler ce qui est merveilleux enlève tout l’éclat et la beauté du geste posé. Marie atteste cela, elle dont la vie fut effacement, et vécut dans l’accomplissement de tâches les plus banales de tous les jours : s’occuper de la maisonnée, être présence et vie en rendant de petits services aux autres, etc. Sa vie ne fut pas une recherche de gestes d’éclat ni de merveilleux. Pourtant, elle demeure dans l’histoire la femme la plus accomplie après son fils.
Tais-toi. Étonnant ! Mais aussi étonnante est la réaction des leaders religieux quand Jésus s’exprime clairement sur ses origines divines. Tu n’es qu’un homme (Cf. Jn 10,33). Tu n’es que le fils de Joseph (Mc 4, 22). Refuser de se taire soulève un tollé d’opposition, d’incrédulité.
Tais-toi, est un appel à une réforme d’une Église axée sur le paraître. Jésus n’apparaît pas dans la salle noble d’un palais royal, mais dans la pauvreté d’une étable ; non dans les fastes de l’apparence, mais dans la simplicité de la vie ; non dans le pouvoir, mais dans une petitesse qui surprend. Et pour le rencontrer, il faut aller là, où il se tient; il faut s’incliner, s’abaisser, se faire petits (homélie de Noël 2016). Se faire effacement. AMEN.
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