Année A : mercredi de la 32e semaine ordinaire (litao32me.17)
Lc 17, 11-19 : revenir au Seigneur pour lui dire merci
De nos jours, on voit beaucoup de gens qui prient, mais, hélas, on n'en voit pas qui reviennent sur leurs pas et rendent grâce à Dieu. N'ont-ils pas été guéris tous les dix ? Où sont donc les neuf autres ? Cette remarque a été prononcée dans une homélie du XIIe siècle par le grand saint Bernard. Elle pourrait bien aussi caractériser l’attitude des priants d’aujourd’hui.
Un autre grand priant, Saint Paul, pose comme pilier de toute vie, l’Action de grâces. Je recommande avant tout que l’on fasse des demandes […] des Actions de grâce […]; voilà ce qui plaît à Dieu (1 Tm 2, 1). Nous savons bien, et en cela l’introduction de nos liturgies nous aide, crier à Jésus d’avoir pitié de nous. Nous avons moins d’empressement à reconnaître les bienfaits dont nous sommes comblés (cf. Ps 103). Les demandes à Dieu se font nombreuses, constantes. Quand est-il de l’attitude d’être reconnaissant à Dieu pour ce qu’il nous offre ou pas ? Manquons-nous de gratitude ? D’émerveillement devant l’œuvre de Dieu en nous ?
Songeons-nous un instant que le refus de Dieu de répondre à nos demandes, peut aussi être un geste de sa bonté à notre endroit ? Quand nous lui demandons avec insistance de gagner le prochain gros lot, sa non-réponse indique le danger d’un possible éloignement de lui. Vous ne pouvez servir deux maîtres. C’est donc par pure bonté que Dieu, parfois, retient sa bonté à notre endroit. Il veut que nous prenions un chemin qui n’est pas nécessairement le nôtre.
Pas facile ce chemin de la reconnaissance, de la gratitude, parce que c’est revenir au Seigneur (Jl 2,12). Parce que, dans les mots du prophète Jérémie, c’est de se lever et de descendre à la maison du potier (Je 18,2) qui en travaillant l’argile que nous sommes, nous a fait ce que nous sommes. Revenir au Seigneur. Le mot est lâché. Il n’est pas facile de se jeter aux pieds de quelqu’un, pour citer l’évangile de ce jour.
Nous vivons dans une culture qui s’appuie beaucoup, sinon totalement, sur soi. Notre culture est toute centrée obsessionnellement sur la souveraineté de son moi, sur une sorte d’adoration pathologique de soi, que le pape François nomme « egolâtrie». Il y a risque bien réel de devenir incapable de tourner les yeux vers les autres, sauf en cas de détresse et d’aide urgente. On fait appel à l’autre, on revient à l’autre, avec empressement quand on a besoin de lui. Rarement quand ce besoin n’existe plus. Le samaritain, qui n’avait pas une grande réputation, une bonne réputation, revient parce qu’il avait besoin de dire sa joie d’être homme nouveau.
Si l’on devait arracher des quatre évangiles un passage qui photographie le mieux Jésus, il me semble que ce serait celui où Jésus remercie son Père. Père, je te rends grâce. C’est l’attitude des petits. Jésus revient à son Père, comme le samaritain est revenu vers lui, pour exprimer sa reconnaissance pour l’œuvre qu’il fait en lui. La reconnaissance nous fait éprouver une sorte de «dépendance». Jésus éprouve que ce qu’il est, il le doit à son Père. Le samaritain est conscient que sa vie nouvelle, il la doit à Jésus. Il revient lui exprimer son admiration, sa gratitude. Que ce geste est beau. C’est un geste «magnificat» à la fois de sa petitesse et de la grandeur de Jésus qui a fait en lui de grandes choses.
L’œuvre de Dieu que chante le psautier dans son intégralité, est d’offrir une radioscopie qui photographie ce que nous sommes. Ouvrage de ses mains. Quand aujourd’hui nous prenons le temps de revenir au Seigneur, nous ne faisons qu’exprimer notre vie et notre profonde humanité, reconnaissant que nous venons de Dieu et que tout est grâce. AMEN.
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