Année A: mardi de l'octave de Pâques (litap00m.17)
Jean 20,11-18 : à la pointe de l'aurore, une femme
Luc, au chapitre huit, présente deux groupes de personnes qui suivaient Jésus: les Douze et les femmes dont Marie, appelée Madeleine, qui avait été libérée de sept démons. Elle est en tête de liste parce qu’elle portait tous les vices, précise le pape Grégoire le Grand. C’est donc une femme, torturée par une puissance néfaste, qui suit Jésus.
Tous les évangélistes la présentent aussi comme une femme reconnaissante. Délivrée de sa torture intérieure, elle a donné le reste de sa vie à Jésus. Elle fut au pied de la croix (Mt 26, 56; Mc 15,40; Lc 23, 45; Jn 19, 25). Elle était-là, au moment de la sépulture de Jésus (Mt 27, 56; Mc 15, 40; Lc 23, 55). Reconnaissante, mais aussi d’une fidélité sans faille. Elle n’a pas paniqué et fui comme les disciples. Plus que cela, précise saint Jean, ce matin, elle fut la première à voir le Ressuscité. À l’annoncer.
Demeurée près du tombeau (Jn 20,11), comme on l’avait trouvé près de la croix, pour Marie-Madeleine la passion continuait dans sa vie. Elle était en dehors du mystère. Elle ne voyait que l’absence de «son Jésus». La visite des anges ne l’a pas rassurée tant sa douleur l’aveuglait. Celle du jardinier non plus. Tout ce qu’elle voyait, c’était que le corps de Jésus avait été enlevé, emporté.
Mais Jésus, ce jardinier, prend les devants comme il l’avait fait durant son existence terrestre, en reprenant cette même question qu’il avait posée aux disciples de Jean-Baptiste au début de son ministère (Jn 1,38) : que cherchez-vous ? Qui cherches-tu ? Par sa question, Jésus l'appelle à entrer dans le mystère comme il avait appelé les disciples de Jean à venir et à voir (cf. Jn 1, 39)
Le mystère. C’est d’abord à des bergers, gens de rien, que Jésus l’avait dévoilé (cf. Lc 2, 1-20). Le mystère, c’est à une femme, familière des marges de l’humanité, demeurée-là près du lieu le plus décisif de l’Histoire de la Bonne Nouvelle, que Jésus confie d’entrainer l’humanité dans son mystère. Le mystère, c’est à des gens peu recommandables, à des insignifiants, qu’il est révélé.
Ce matin, n’arrêtons pas notre regard sur une femme torturée par l’intérieur, cherchant à être aimée. En recherche d’union d’amour (Jean de la Croix). Contemplons sa vie mystique. Entrons à fond dans sa relation personnelle avec Jésus. Entrons dans le mystère Jésus. On a écrit qu’elle était la divine amie de Jésus.
Premier signe qu’elle nous laisse pour entrer en relation avec le mystère Jésus: la dépossession d’elle-même. La désappropriation de sa honte. Elle ne voyait plus son passé. Où en sommes-nous dans cette dépossession de nous-mêmes ?
Deuxième signe : Elle ne voyait que Jésus seul (Mt 17,8). Elle était tout à Jésus, ne vivait qu’un mariage spirituel avec Jésus. Sortie des profondeurs d’un insupportable rejet par les siens, Marie-Madeleine a tellement pris Jésus à cœur qu’elle ne s’est pas contentée de croire. Elle s’est laissé toucher au cœur. Et nous ?
Cette femme nous ressemble. Elle a rencontré Jésus et elle fut subito presto dépossédée d’elle-même. Subito presto, elle n’a plus eu honte de son passé. Elle ne se voyait plus. Elle n’était plus paralysée par ses failles nombreuses, ses comportements peu recommandables. Elle figure désormais la première sur la liste des «voyants» de Pâques parce que Jésus prenait tout l’espace de sa vie, occupait toute la place dans sa vie.
Entendons Jésus nous dire, comme à Marie-Madeleine: va vite vers la périphérie, sonne un chant de paix aux oreilles de mes amis, réveille-les de leur sommeil. Va vite faire entendre une trompette de joie dans ta voix. Va dire que l’époux s’est éveillé, sortant de la tombe sans rien laisser au-dedans de la tombe. Chassez, apôtres, la tristesse mortelle, car il est réveillé celui qui offre aux hommes déchus la résurrection (De Romanos, le Mélode IVe siècle). AMEN.
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