Année C: samedi de la 7e semaine ordinaire (litco07s.16)
Luc 4, 14-22 : méprisé à cause de ses parents
Tous avaient les yeux fixés sur lui. Mais une question surgit : qui voient-ils ? Si tous sont frappés d'étonnement devant la sagesse de sa prédication dans le temple, tous ne voient que le fils du charpentier dont la mère se nomme Marie. Son origine seule les impressionne. Ils sont choqués tant ils ne voient dans Jésus que le fils du charpentier. Jésus se voit méprisé à cause de ses parents (saint Hilaire).
Pourtant, ces docteurs de la loi oublient leur histoire. David est fils de Jessé, simple laboureur. Amos est fils de bergers et berger lui-même. N'aurait-il pas été plus logique de se réjouir qu'un fils de charpentier, malgré sa naissance humble, puisse parler avec une telle profondeur humaine, s'interroge Jean Chrysostome ?
Qu’elle est grande la délicatesse de Jésus de ne pas s'offusquer devant leur réaction ! Il refuse de jeter de l'huile sur le feu en renonçant à ajouter d'autres signes attestant ainsi qu'il est le Messie attendu. Le Messie attendu, guerrier tout-puissant, est plutôt un messie inattendu tant il ne correspond pas au libérateur désiré.
Et nous, ce matin, que voyons-nous en fixant nos yeux sur lui ? Que voyait Eugène de Mazenod ? Je risque cette réponse: qu'on n'enterre pas la lumière (cf. Gui Lauraire, On n'enterre pas la lumière, Éd. Temps présent, 2015). Heureux la communauté et le chrétien qui, en fixant les yeux sur Jésus, pionnier de la foi et qui la porte à son accomplissement (He 12, 1), voient qu'on n'enterre pas la lumière et qu'elle finira par ne plus être mise sous le lampadaire.
Dès sa première prise de parole dans sa terre natale, Jésus, par son langage, est tellement en dehors de l'ordinaire qu'on ne veut pas l'entendre. Pour utiliser une image, Jésus chante en dehors du chœur. Il chante faux. Mais qui chante faux ? Le choriste ou le chœur ? Les yeux fixés sur Jésus, nous pouvons aussi comprendre que le chœur chante faux et que le choriste chante juste. Dans le temple, Jésus secoue la poussière des yeux. Il veut qu'on le reconnaisse.
C'est toujours impressionnant de réaliser que les yeux fixés sur Jésus poussent des croyants à montrer ce qu'ils voient. À faire entendre ce qu'ils entendent. Comme Marie, première disciple de Jésus, Eugène de Mazenod a pris chez lui une Parole qui voyage et donne encore des rejetons. Il envoie dans le monde entier annoncer cette merveilleuse parole inégalée, Dieu est non domesticable. Il a envoyé des témoins dire ce qu'ils voient en prenant Marie comme exemple; dire que la loi suprême est de voir l'arrivée d'une terre sans haine, sans rivalité, sans murs entre nous.
Eugène de Mazenod n'a pas envoyé des représentants de Dieu avec mandat d'accomplir des exploits, mais des «voyants» de Dieu dans le monde de son temps qui n'est plus le nôtre. Aujourd'hui, écrivait déjà le théologien luthérien Bonhoeffer dans sa prison en juillet 1944, un peu avant sa mort, l'homme a appris à venir à bout de toutes les questions importantes sans faire appel à l'hypothèse du travail Dieu. Se plaindre de l'absence de Dieu sera toujours plus facile que de se mettre au travail d'enfantement d'être des chrétiens autrement.
Fixer nos regards sur Jésus incite à avoir les yeux et un cœur ouverts sur ce qui se vit autour de nous. Ce n'est pas une fuite, une évasion de notre réalité pour éviter de se laisser contaminer; mais cela nous engage à une prise de parole pour des tombés le long de la route (cf. Lc 10, 25-37).
À le regarder, Jésus crée en nous non un type d'homme religieux, mais l'homme tout court (Bonhoeffer). Ce n'est pas l'acte cultuel qui nous fait chrétiens, c'est notre participation à la souffrance de Dieu dans le monde. Dès le commencement de sa vie publique, en étant le premier expulsé de son temple, dans sa Galilée natale, Jésus devient le premier à souffrir de l'annonce d'être ce médecin courbé sur toutes les souffrances du monde.
Puissions-nous brûler du même esprit pour n'avoir en vue que le service de l'Évangile (Oraison). AMEN
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