Année B : Mardi 34e semaine ordinaire (litbo34m.15)
Luc 21, 5, 10 : que rien ne te trouble
À quelle heure de l’histoire sommes-nous donc, écrit le Père Bernard Bro dans sons livre La beauté sauvera le monde ? Le bruit confus que l’on perçoit est-ce le piétinement des barbares prêts à tout casser ou bien le premier assemblage d’une nouvelle construction, plus belle ? [...] [Mais] la question n'est sans doute pas celle-là. L’ultime secret proposé à l’homme est de garder l’esprit ouvert à l’étonnement.
Devant ce passage peu motivant de Luc, où tout semble sans issue, il faut garder l'esprit ouvert à l'étonnement. S'il est difficile présentement de dépasser la laideur du temps présent, il est plus urgent de demeurer fasciné par la capacité de tant d'hommes et de femmes à se sortir, se relever de situations souvent inimaginables, écrit Guy Aurenche en ouverture de son livre Le souffle d'une vie (éd. Albin Michel 2011), très engagé socialement.
Notre évangile, ce matin, porte une bonne nouvelle, celle de prendre garde de ne pas nous laisser égarer (Lc 21, 8), de cette conviction que l'espérance nait au cœur des catastrophes. Ne tombons pas dans cette mode tendance à la désespérance que la réalité des drames humains nous fait voir.
N'oublions pas qu'au cœur des tempêtes et tragédies sans nombre, il y a toujours une brise légère, un souffle léger (1 Roi 19, 11-13). Pour en goûter sa fraicheur, il faut nous habituer à dépasser ce smog que sont nos bavardages qui sont une sorte de bombe qui détruit tout (pape François). Ne nions pas la réalité. Élevons nos regards pour qu'ils deviennent plus pénétrants.
Nos voyons avec clarté les signes de désolation. Nous percevons beaucoup moins qu'ils ouvrent sur un désir d'un changement de paradigme, celui de passer d'une culture de confrontation à une culture de grande fraternité. L'urgence n'est-elle pas de lutter pour une terre fraternelle et pas seulement lutter contre toutes ces exclusions qui entraînent et engendrent guerres et persécutions.
Au lendemain des sombres événements du 11 janvier 2015 à Paris, qui a donné naissance à ce mouvement je suis Charlie, le philosophe musulman Adnennour Bidas (cf. Plaidoyer pour la fraternité, Éd. Albin Michel, 2015) lançait un autre cri : spiritualisons nos vies par l'entrée en fraternité des cœurs. C'est un appel à lire autrement les signes des temps.
Le style Jésus fut de garder ses yeux ouverts à l'étonnement malgré l'opacité de son temps, ses yeux ouverts sur un autre monde. Ce matin, les textes ouvrent sur un autre monde déjà présent dans notre monde. N'embarquons pas dans cette vision déprimante que notre monde n'est pas beau. Quand quelqu'un n'apprend pas à s'arrêter pour observer ce qui est beau, il n'est pas étonnant que tout devienne du pur consumériste (encyclique Loué-sois-tu, # 215). Nous devons en permanence regarder ce monde avec des yeux de sauvés.
Excellent observateur de son temps et en bon berger, Jésus s'est fait proche de toutes les laideurs de son temps. Il n'a pas fermé la porte même devant les résistances qu'il rencontrait. Il a refusé l'exclusion et est sorti donner la main, Sa main, aux exclus, aux personnes aux laideurs notoires, pour les ouvrir à la joie.
La plus grande faim aujourd’hui, c'est d'entendre autre chose que des querelles entre peuples, autre chose que de voir des scènes d'horreurs. La plus grande faim est d'entendre une parole-sagesse. La famine de ce pays, écrivait saint Bernard au XIIe siècle et c’est vrai pour aujourd’hui, c’est la pénurie d’entendre la Parole de Dieu.
Un hymne liturgique nous fait chanter: tu es venu Seigneur, dans notre nuit, tourner vers l'aube nos chemins. Pour nous mener au jour, tu as pris corps dans l'ombre humain où tu descends. Beaucoup voudrait voir et saisir, sauront-ils te reconnaître.
Je termine par ces mots de Thérèse d'Avila, c'est un beau cadeau qu'elle nous a laissé alors qu'elle vivait une grande tempête intérieure : Que rien ne te trouble. Que rien ne t'épouvante. Tout passe. Celui qui a Dieu ne manque de rien. AMEN.
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