Année B: Samedi 4e semaine de Pâques (litbp04s.15)
Jn 14, 7-14 : Qu'a donc Jésus de plus que les autres ?
Dans son livre Jésus de Nazareth, le pape Benoit se demandait ce que Jésus nous avait apporté. Son successeur répond dans sa bulle ouvrant l'année de la miséricorde, Jésus nous a apporté le visage de la miséricorde du Père. Jésus nous a apporté Dieu. C'est cela que vient d'affirmer saint Jean. Qui me voit, voit le Père (Jn 14, 9). Voit celui qui m'a envoyé (Jn 12, 45).
Jésus et le Père ne font qu'un. Mieux, ils sont un (cf. Jn 10, 30). Il ne dit pas qu'il est uni au Père mais que Lui et le Père sont un (cf. Jn 10, 30), que le Père est en lui comme il est dans le Père (cf. Jn 14, 11). Il est envoyé pour dire les paroles de Dieu (Jn 3, 34), pour ne pas jeter dehors ceux qui viennent à moi (cf. Jn 6, 37) pour ne perdre aucun de ceux qu'il m'a donné (cf. Jn 6, 39).
Cette question pourtant bien normale de Philippe montre-nous le Père, nous place devant le mystère de l'inexistence, de l'effacement de Jésus. Celui qui me voit, voit le Père (Jn 14, 9). Jésus a renoncé à ce qu'il est, sa volonté pour s'en remettre à celle d'un autre. Il n'existe que dans le Père. Tellement choquant cela, scandaleux d'entendre qu'un Dieu nous montre Dieu, qu'on a voulu lapider Jésus (cf. Jn 10, 31).
Regarder Jésus pour voir Dieu : voilà où Jean veut nous conduire. Pour découvrir le Père, pour découvrir Dieu, il faut se tourner vers l’homme Jésus. Pour savoir qui est Dieu, il faut apprendre à voir le signe Jésus. Est-ce que nous voyons qu'en Jésus, il y a quelqu'un d'autre ?
Dans nos conversations, il nous arrive de dire oui, je vois ou bien je vois ce que vous voulez dire. Pouvons-nous dire oui, je vois ce que vous voulez dire ? Pouvons-nous saisir que c'est cette communion indicible que Jésus est vie de Dieu pour l'humanité ? Ce que veut nous faire voir le contemplatif Jean, c'est que Jésus n'est pas Jésus. C'est un Autre. Allons plus loin. L'Autre que nous montre Jésus, n'est pas Lui. Il est Jésus. Il faut apprendre à ne pas comprendre. Apprendre à nous mettre à l'école de la non-compréhension.
Le chemin qui nous fait le mieux saisir que l'un est l'autre, dans l'autre, est celui de la miséricorde. Si l'exhortation La joie de l'évangile trace l'approche-programme du Pape François, la bulle, le visage du Père, très riche et dense du jubilé, en sera ses mains. On y voit un François contemplatif de ce visage de la miséricorde de Jésus.
Pour lui, Jésus est la porte de miséricorde du Père. Il n'est que miséricorde envers les exclus, les souffrants, les pécheurs qu'il introduit dans son entourage immédiat. Son regard sur Jésus lui fait chanter que sa miséricorde est éternelle.
Quand François «voit» Jésus fêter les noces de réhabilitation des exclus, s'entretenir longuement avec la femme de Samarie (cf. Jn 4, 5-52), renverser les tables des profiteurs (cf. Jn 2, 13-25), nourrir le peuple qui a faim (cf. Jn 6, 24-50), se réjouir du parfum versé sur ses pieds par une femme de très bas niveau (cf. Jn 12, 1-12), refuser de condamner la femme adultère devant lui (cf. Jn 8, 1-11), entrer en conflit ouvert avec les experts de la loi, maintenir malgré les oppositions, le cap sur une indignation proactive, il y découvre des gestes qui «racontent », qui montrent le vrai visage du Père dont saint Jean a dit qu'il est Amour (1 Jn 4, 8. 16). Qu'il n'est qu'amour.
Mais comment aujourd'hui rencontrer le visage de ce Père riche en miséricorde (Ep 2, 4) ? Comment reconnaître cette porte de la miséricorde du Père ? À cette question, les apôtres répondent unanimement : on ne peut rencontrer Dieu qu'à travers les chrétiens baptisés. D'où la devise de cette année sainte de la miséricorde suggérée par le pape: être miséricordieux comme le Père. Ce faisant, il pose cette question à l'Église, à nous : sommes-nous prêts à être miséricordieux comme le Père ? À agir comme Jésus ? Aujourd'hui l'indignation est à la mode, mais les indignés sont trop peu nombreux. Et la crédibilité de l'Église passe par ce chemin d'être des indignés.
À nous maintenant de faire entendre à tous les incroyants, les Actes disent les païens, cette bonne nouvelle. AMEN.
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