Année B : mardi 27e semaine ordinaire (litbo27m.15)
Jean 15, 1-8 : Marie Rose Durocher, une grande dame de chez nous.
Le secret du bonheur, c’est, je dirais, de ne plus tenir compte de soi. Ces mots d’Élisabeth de la Trinité semblent d’un autre monde tant notre époque moderne, pour citer le Pape François se caractérise par une grande démesure anthropocentrique qui donne lieu à un style de vie déviée (Laudatio si, # 122).
Dans un discours le 8 mai 2013, il appelait à un exode de nous-mêmes pour centrer notre existence sur le Christ et l’évangile. Récemment, répondant à une question d’une religieuse sur le sens de la vie consacrée dans notre monde, il mentionne que le pire comportement d’un religieux, et c’est aussi vrai de tout humain, c’est de s’auto-regarder. C’est le pire […] c’est un des pires comportements d’un religieux : se regarder soi-même, le narcissisme. Gardez-vous-en ! Et le pape par trois fois a ajouté : gardez-vous en!
Que ce soit ne plus tenir compte de soi ou l’appel plus récent du pape François gardez-vous en, Marie Rose Durocher s’est dépensée elle-même tout entière (cf. 2 Co 12, 15). Sa vie fut greffée sur Jésus qui l’a «greffée» (cf. Jn 15, 6) à son tour sur les enfants dont elle a eu la charge. Une vie doublement greffée : sur Jésus et sur la jeunesse de son temps. Pour tout dire, elle n’existe plus pour elle-même, elle s’est vidée d’elle-même comme Jésus (cf. Ph 2, 9). Elle a mené une vie comme le tournesol, toute orientée vers Dieu qui l’oriente vers cette jeunesse qui était sa nourriture quotidienne.
Créature nouvelle (cf. 2 Co 5, 17), pour elle, une vie qui n’est pas service ne vaut pas la peine d’être vécue (Pape François, homélie à Cuba, 2015). Elle n’a pas cherché à se servir mais à servir. Tout en elle dégage qu’elle est pour la jeunesse de son temps une ambassadrice de la foi. Dieu exhorte par elle. S’oublier, se sacrifier, vivre avec le minimum, se donner continue d’impressionner et confirme qu’elle fut une grande adoratrice de Dieu. Qu’est-ce qu’adorer ? C’est ne plus se regarder.
L’écrivain soviétique Soljenitsyne, homme d’une grande intériorité mystique, fait dire à l’un de ses héros que le sens de l’existence est de préserver sans la défigurer ni la figer l’image de la beauté et de l’éternité que chacun a reçu à sa naissance. Marie Rose a mené une vie immergée en Dieu. Elle ne s’est pas contentée de nager à la surface de sa foi, à la surface des eaux mais sous l’eau, immergée en Jésus. Elle a plongé jusqu’à rejoindre dans son quotidien d’éducatrice le mystère de Dieu qu’elle porte en elle. La clé de sa vie, de son dynamisme se trouve dans une vie vécue en profondeur.
Ce qu’il faut admirer dans cette femme, c’est moins sa manière d’exprimer sa grande foi que sa réponse au regard de Dieu sur elle. Dieu l’a regardé comme son humble servante. Toute vie de foi, d’engagement dans la foi comme par ce regard de Dieu posé sur nous. Dieu a posé sur elle un regard qui l’a sauvé d’elle-même. La grandeur de sa vie, de son service se fonde sur ce regard. Elle a dit OUI à ce regard. Ce regard lui a fait éprouver, expérimenter qu’il y avait en elle quelque chose qui n’était pas elle, quelque chose qui l’énergise, la pousse à montrer Dieu. Si quelqu’un veut être grand il doit servir les autres, pas se servir lui-même (Mc 9, 34).
Comme l’exprime le psaume que nous venons de chanter, le seigneur a été son berger, rien ne lui manquait. Sur des près d’herbe fraîche, elle a reposé sa vie.
À votre contemplation : C’est un devoir de mémoire pour citer le pape Jean-Paul II que de nous rappeler tout ce que cette femme d'ici a fait pour annoncer Jésus, pour évangéliser les moins que rien de notre société d'alors. Rendons grâce à Dieu de nous avoir donné cette femme qui continue aujourd’hui à travers ses compagnes de la Congrégation des sœurs des saints noms de Jésus et de Marie d’ensemencer les cœurs de l’Évangile. AMEN.
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