Année A: Samedi 11e semaine ordinaire (litao11s.14)
Mtt 6, 24-24 : Jésus nous lance tout un défi, celui de ne pas servir deux maîtres
C'est totalement fou, totalement démesuré, de ne pas nous appuyer à la fois sur Dieu et sur l'argent. Matthieu ouvre notre regard à la contemplation de la manière de vivre de Jésus. Il s'est dévêtu de sa puissance. Il ne s'est pas affolé ni soucié des attaques permanentes qu'il a dû affronter. Il a vécu en faisant confiance au projet de son Père sur lui.
C'est parce que Jésus est un expert en connaissance de l'humain qu'il nous assure qu'il voit ce dont nous avons le plus besoin. C'est parce que Jésus sait que nous pouvons fort bien vivre toute notre vie préoccupée, habitée par une peur primaire de ne jamais en posséder assez, nos idolâtries, pour citer le pape François, qu'il en appelle à nous voir adopter sa manière de vivre. Il ne suffit pas de dire que nous sommes croyants puis de vivre comme si nous ne croyons pas en Dieu. Quand il s'agit de vivre concrètement notre quotidien, il arrive que quelque chose entrave, étouffe notre oui de foi. Pour Jésus, ce quelque chose a un visage: l'argent. Mammon. Ici, notre volonté qui ne se réalise pas.
Il ne s'agit pas ici de vivre désoccupé de la recherche de nourriture. Du nécessaire. Il s'agit de ne pas être inquiet. Le mot revient six fois dans le texte. Nous soucier des mal aimés, des souffrants, de l'autre, c'est le centre de la bonne nouvelle. Ce dont il s'agit, c'est de ne pas tout faire reposer sur nos épaules. En filigrane de cette page émerge une question : qui donc est Dieu pour moi ? S'il veille sur les oiseaux du ciel, ne pourrait-il pas aussi veiller sur moi ? S'il voit un cheveu tomber de notre tête, a plus forte raison verra-t-il ce dont nous avons le plus besoin.
Sa déclaration vous ne pouvez pas servir deux maîtres : Dieu et l'argent signifie un choix à faire entre deux manières de vivre, entre Dieu et Mammon. Il y a un total antagonisme entre Dieu, que Jésus appelle Abba et l’argent à qui il donne le nom de Mammon. À l'époque de Jésus, Mammon était moins une divinité qu'un comportement idolâtrique toujours actuel. En nous et de tout temps, il y a une sorte de maladie de l'accaparement de biens, de savoir, de pouvoir, de sensation, de sécurité affective.
Tenez-vous sur vos gardes de peur que vos cœurs ne s'appesantissent sur les soucis de la vie (Lc 21, 34), c'est se préparer à une plus grande disponibilité intérieure par l'allégement, la frugalité. Dans la parabole du semeur, Jésus dit clairement que les soucis, les richesses et les plaisirs de la vie étouffent la Parole de Dieu qui n'arrive pas alors à maturité (cf. Lc 8,14).
Jésus appelle ici au détachement, la caractéristique de tout chrétien, mais qui est tellement à contre courant de ce qui se fait dans le monde (François, homélie du 9 juin dernier). Nos soucis enlèvent de l'espace à la parole de Dieu en nous. Ils risquent de nous paralyser. En s'embarquant par le Canada, Marie de l'Incarnation n'avait aucun souci sur les risques de la traversé. Elle ne contemplait que la joie de faire connaître Jésus.
Impossible de vivre dans une union constante et consciente avec Dieu si nous sommes trop préoccupés par nos besoins – et pas simplement nos besoins matériels. Il y a des blessures morales ou psychiques qui peuvent empoisonner notre vie d'union à Dieu et celle des autres.
À votre contemplation: Jésus nous lance un défi. Tout un défi. Celui de nous soucier de la qualité de notre relation à Dieu. De n'avoir de repos qu'en lui seul (Ps 61, 2). C'est ce qu'annonçait le prophète Isaïe: Tu penses que Dieu t’a abandonné, qu’il t’a oublié? Est-ce qu’une femme peut oublier son petit enfant? Même si une femme pouvait l’oublier, moi je ne t’oublierai pas dit le Seigneur (cf. Is 49, 14-15). Je termine par cette prière bien connue de saint Ignace de Loyola : Seigneur, apprends-moi à travailler comme si tout dépendait de moi ; apprends-moi à tout attendre de toi, comme si tout dépendait de ta grâce. AMEN.
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