2014-A-Mc 8, 14-21-mardi 6e semaine ordinaire- la logique de Dieu

Année A: Mardi 6e semaine ordinaire (litao6m.14)

Marc 8, 14-21 : la logique de Dieu   

Une tentation de toutes les époques? Jésus vient de nourrir une foule de plus de quatre mille personnes avec seulement sept pains et on lui demande un signe qui vient du ciel pour prouver l'existence de Dieu. Les disciples n'agissaient pas autrement non plus. Ils discutaient entre eux sur l'identité de Jésus, sur ce qu'il venait de voir s'accomplir. Pourquoi discutez-vous ? Vous ne voyez pas ? Vous ne comprenez pas ? Vous avez le cœur aveuglé ? Vous ne vous rappelez pas ? Nos aveuglements sur Dieu sont de toujours à toujours.

Récemment, le philosophe français Paul Clavier dans 100 questions sur Dieu, expert sur les questions foi et science et manifestant un penchant sympathique pour l'existence de Dieu, se posait cette question: Dieu est-il une hypothèse inutile [1]? Il répondait oui et non. Oui, car ce n’est pas une hypothèse scientifique. Non, car on a quand même le droit de se poser des questions métaphysiques sur le pourquoi ultime des choses [...] Il est parfaitement légitime qu’un être humain, qu’il soit biologiste, physicien ou simple civil, se demande à quoi ou à qui le monde doit son existence.

La question des signes prouvant Dieu concerne tout le monde, toute l'humanité. Dieu, écrit l'auteur, c'est sacrément dépaysant. Cette page de Marc est une «révélation» que Dieu ne sera jamais d'un autre monde, celui d'en haut qui n'est qu'un produit de l'en bas[2]. Il ne sera jamais un Dieu superposé à notre monde, ni un Dieu d'en haut. Il se montre à nous à travers les faits et gestes de notre quotidien. Il ne fait pas tomber sur nous le salut depuis le haut, mais est descendu au milieu de gens comme nous pour nous consoler, nous libérer de notre misère, dit François dans son message du carême qui vient.

La question de Dieu, écrivait le frère Alois de Taizé dans sa lettre annuelle 2013, n'a pas disparu de l'horizon, mais la manière de la poser s'est profondément modifiée. Quand des chercheurs de Dieu sont moins affirmatifs dans l'expression de la foi, ce n'est pas qu'ils soient moins croyants, mais […] ils refusent d’enfermer Dieu dans des concepts.

Dans une catéchèse qu'il offrait en novembre 2012, le pape théologien Benoît XVI disait qu'en Jésus, nous voyons le visage de Dieu, venu s'immerger dans l'humanité pour enseigner aux hommes l'art de vivre et la voie du bonheur, la libération du péché et la façon de devenir pleinement fils de Dieu. Parler de Dieu signifie avant tout être convaincus de porter à nos contemporains un Dieu qui nous a parlé : Non pas un Dieu abstrait, une hypothèse de Dieu, mais un Dieu concret, un Dieu existant, entré dans l'histoire et présent dans l'histoire.

Autant les notables de l'époque que les disciples qui accompagnaient Jésus n'ont pas réussi à s'affranchir d'une image d'un Dieu puissant pour trouver Dieu dans ce fils d'un charpentier. Dieu ne se révèle, dit le pape François dans son premier message du carême, par les moyens de la puissance et de la richesse du monde, mais par ceux de la faiblesse et de la pauvreté. Il ajoute : il s'agit au contraire d'une synthèse de la logique de Dieu, [celle] de l'incarnation et de la Croix.

Cette logique de Dieu, est nôtre présentement dans notre Église, à l'heure où un manque flagrant de relève, autant sacerdotale que laïque, interpelle tous les chrétiens. Pas évident de voir dans le manque actuel, dans cet épreuve de dépouillement que nous vivons, un chemin providentiel pour répondre à tant de besoins matériel, moral et spirituel, comme le précise le message du carême.

Une eucharistie pour nous affranchir de Dieu pour trouver Dieu (Maître Eckhart). AMEN.