Année A: Samedi 24e semaine ordinaire (litao24s.14)
Luc 8, 5-15 parabole du semeur : vulnérable et généreux
Comment parler de la couleur des fleurs à un aveugle de naissance? Comment parler de Dieu à l'heure où Dieu n'est plus dans nos désirs ? À l'heure où l'être humain ne se définit plus par rapport à Dieu ? Et Jésus, pédagogue, pour parler de Lui, pour se faire connaître, utilise l'image de la semence, l'image de la vulnérabilité.
A travers cette belle image paysanne, ce n’est pas une nouvelle identité de Dieu, mais plutôt la révélation de ce qu’il a toujours été depuis les origines. La parole créatrice est une parole qui dit puis se retire (cf. Gn 2). Une Parole qui sème pour disparaître dans nos terres. Dans nos cœurs. Quand tu sèmes une graine, elle ne peut pas donner vie sans mourir d'abord...tu ne sèmes pas le corps de la plante qui va pousser, tu sèmes une graine toute nue (1 Co 15, 36). Cette graine toute nue, visage d'un Dieu qui s'est fait vulnérable, est le sceau de la perfection du semeur, disait François Varillon.
Si le geste du semeur fascine notre regard tant il répand à temps et contretemps, avec abondance et générosité sa vie, le geste d'un Dieu vulnérable nous déconcerte. Nous sommes hésitants à contempler un Dieu agissant non pas comme une superpuissance, mais qui préfère plutôt se présenter dans le bruit d'une brise légère(1 Roi 19, 13). Oui, y-a-t-il plus vulnérable qu'une semence ? Pourtant sans cette vulnérabilité, la semence résisterait à la terre et ne pourrait plus porter un beau fruit.
Personne n'a jamais vu un semeur se protéger des grands vents, se revêtir d'un gilet pare-balles ou de se promener dans une papamobile blindée. Cette logique d'autoprotection si recherchée aujourd'hui n'est pas la logique du semeur. Pour lui, la meilleure manière de se protéger, c'est d'accepter l'enfouissement. Sa mise en terre. Rien ne peut détruire ce qui est enfoui. L'enfouissement cache une victoire certaine. Contemplons ce matin, un Dieu impuissant, faible que Paul présente longuement aux Philippines (2, 6-7). Devant cette vulnérabilité de Dieu, nous pourrions dire ce que les Athéniens ont dit à Paul : nous t’entendrons là-dessus une autre fois (Ac 17, 32).
Vulnérable le semeur parce que vulnérable est la vie, la nôtre, dont il s'est habillée. Y-a-t-il plus vulnérable que la vie ? Un rien et tout bascule. Le semeur sème ce qu'il est : la vie. Sa vulnérabilité. Il s'habille de ce que nous sommes comme chemin pour que nous devenions ce qu'il est. Un grand théologien, Moltmann, se demandait quelle espèce d'être sera un Dieu qui n'est que tout-puissant ? C'est un être sans expérience, sans capacité d'aimer... [et] qui n'est aimé par personne.
Vulnérable est le semeur parce que vulnérable est l'amour. C’est la donnée la plus émouvante, la plus bouleversante, la plus neuve et la plus essentielle de l’Évangile, affirme Maurice Zundel. Vulnérable l'amour parce qu'aimer c'est faire exister l'autre parce que peut-être attend-il que j'aie besoin de lui (frère Luc). Jésus sème ce qu'il est: l'existence de l'autre au détriment de sa propre vie.
Pour semer en nous qui il est, sa vie, le Semeur travaille avec patience et sans crainte d'une piteuse récolte, notre terre, notre chair. Il laboure nos existences, retourne et brise nos cœurs de pierre à temps, à contretemps, sans jamais se lasser. Sa générosité est sans borne.
À travers ce langage Jésus nous fait entendre qu'il n'est pas une idée à promouvoir, un savoir à acquérir mais une source qui nourrit nos terres en manque de protéines pour porter du fruit. Il sème une vie qui est déjà passée par la mort. La sienne. Il jette en nous une semence qui transforme la vie.
Saint Paul fait retentir toute la beauté de cette semence qui nous transforme quand il écrit : ce qui est semé est périssable, ce qui ressuscite est impérissable ; ce qui est semé n'a plus de valeur, ce qui ressuscite est plein de gloire ; ce qui est semé est faible, ce qui ressuscite est puissant. Heureux celui qui reçoit cette semence. AMEN.
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