Année A: Mardi 33e semaine ordinaire (litao33m.14)
Luc 19, 1-10 : Zachée
Qu'est-ce que Jésus dit à Zachée, cet homme d'affaire, républicain et riche, qui a trompé et volé bien des gens dans son métier de collecteur d'impôts ? Il lui dit : Zachée, descends vite de ton arbre, il me faut demeurer dans ta maison. Il offre la même chose à un autre, ce bandit cloué avec lui sur une croix, aujourd'hui, tu seras avec moi dans le paradis et il l'accueille comme un fruit mûr. Mais ce bandit, contrairement à Zachée, lui avait demandé d'avoir pitié de lui.
La manière dont Jésus agit envers nous, au comportement moins qu'humain, nous échappe totalement. Songeons à Pierre, l'apôtre tout feu tout flamme, qui renie Jésus et qui s'entend dire Paix mes brebis. Songeons à Matthieu, cet autre voleur, ce Murdock des temps modernes, que Jésus va retirer de derrière sa table pour en faire un des rédacteurs attitrés de son message. Ces gestes nous font voir le cœur de Jésus.
Jésus souhaite se tenir avec les mal-vus; les changements qu'il fait naître en eux attestent qu'en touchant le moins beau, on provoque une transformation. Une résurrection. Comme l'exprime Oliver Legendre, récemment décédé, c’est la part la plus faible en nous qui nous évangélise. Jésus prouve que la bonne nouvelle n'a qu'une seule visée : faire resurgir de nos profondeurs cette image inaltérable, cette beauté indélébile qui tend à remonter à la surface à la moindre condition favorable dont celle de ne pas se sentir jugé, condamné.
Que ce soit l'expérience d'un Zachée qui descend, dit le texte, en lui-même, que ce soit celle de Matthieu qui se lève pour s'éloigner d'une table aux commerces illicites, que ce soit l'aventure de Pierre qui se fait prendre en flagrant délit de trahison, que ce soit Paul persécuteur d'Église, irréprochable devant la Loi (Ph 3, 5-6), toutes ces expériences de changement de direction, se répètent aujourd'hui. Il s'agit d'être placé dans une situation de non jugement, de non-condamnation, faite d'accueil et d'écoute, pour faire surgir des profondeurs une libération de toute cette douleur ou mal qui paralyse et empêche de vivre heureux.
Jésus se spécialise à descendre demeurer dans les espaces les plus obstrués par le mal. N'est-il pas venu chercher la brebis égarée (Lc 15, 1-32) ? Venu pour les malades et non les bien-portants (Mt 9, 9-13) ? Il manifeste que la sagesse de Dieu est vraiment folie aux humains (cf. 1 Cor 1, 18-29). Le bon médecin traite les blessures avec pitié (Hildegarde de Bingen, récemment déclaré docteur de l'Église).
Dieu ne s’arrête pas à un certain point, disait le pape François, Dieu va jusqu’au bout, à la limite. Dieu va toujours à la limite. Il ne s’arrête pas à la moitié du chemin du salut, comme s’il disait : j’ai tout fait, maintenant, c’est leur problème.
Et nous ? Avons-nous ce zèle de nous faire proches de ceux qui sont loin ? De ceux dont le comportement, l'habillement nous rend antipathiques ? Sommes-nous, pour utiliser les paroles mêmes de Jésus, des pasteurs, des chrétiens près à quitter nos lieux de sécurité pour aller vers eux ? Il ne suffit pas d’ouvrir la porte de l’église et de rester là à attendre. Il faut aller chercher ceux qui sont loin. Il y a tant de perversion dans le cœur de ceux qui se croient justes et ne veulent pas se salir les mains avec les pêcheurs ». (Homélie récente de François).
Comme il est facile de condamner les autres. Jésus nous appelle à cette étrange aventure d'être chrétien. Oui, pas facile d'être chrétien, de nous asseoir aux tables des révoltés, des toxicomanes. Il est plus sécurisant de demeurer derrière les portes closes des églises. Lors d'une catéchèse qui portait sur le genre d'évêque qu'il désirait, le pape François posait cette question qui s'adresse à tous les chrétiens : Avons-nous ce zèle de nous approcher de tous ces hors la loi, de ces manipulateurs habiles ?
Que ce pain dont nous mangerons nous conduise à nous asseoir à la table des Zachée d'aujourd'hui. AMEN.
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