Année A: Mardi 4esemaine de Pâques (litap04m.14)
Jean 10, 22-30 : Pour écouter cette voix, une certaine sobriété s'impose
Le temps de Pâques nous aide à faire les premiers pas comme des «ressuscités». Si nous sommes vraiment des ressuscités, si nous vivons en ressuscités, nous rechercherons cette voix dont parle l'évangéliste, pour la goûter. Cette voix est bien ténue, sorte de brise légère (1 Roi 19,11), au milieu de tous les bruits de notre monde. Cette voix, c'est une petite voix, sorte de grain jeté en terre. Un petit peu de levain peut faire lever toute la pâte.
Cette voix ne s'entend que si nous déposons à la porte tous les bruits intérieurs qui nous envahissent, toutes les agitations qui nous inquiètent, toutes ces curiosités que nous offrent nos mass-médias. Cette voix ne s'entend pas dans l'ébriété mais dans la sobriété.
L'ébriété, c'est la maladie presque contagieuse de nos vies. Plus souvent qu'autrement, nous menons une vie axée sur le débordement, sur l'excès de vouloir être au courant des moindres événements du monde. Difficile dans un tel environnement d'entendre une voix toute frêle, presque silencieuse tant elle ne veut pas s'imposer. Ce n'est pas dans le fracas que cette voix devient audible. Ce n'est pas non plus dans un contexte de malveillance, comme l'indique notre évangile, ni quand retentit avec force la peur de perdre pouvoir et autorité, que nous saisissons que cette voix est celle du Messie annoncé. Je vous l'ai dit, et vous ne croyez pas.
Alors une question surgit. Où pouvons-nous le mieux nous réjouir de cette voix ? Dans quel contexte pouvons-nous le mieux l'écouter ? Il semble bien que ce soit dans la sobriété. C'est en se vidant de tout ce qui nous encombre intérieurement que rebondit en nous cette voix du Pasteur de nos vies. C'est en se retenant de tout savoir, de tout voir, de tout entendre, de tout dire, c'est pour utiliser le langage cartésien, en se dénudant de tout excès, en s'habillant de silence qu'on goûte cette voix.
La sobriété ne se vit pas dans l'extension mais dans la frugalité. Il n'y a qu'une manière d'entendre cette voix, et elle risque d'être très coûteuse, peut-être trop dispendieuse à se procurer comme le confirme l'épisode du jeune homme riche (Mc 10, 17- 20), c'est dans le délestage de tout superflu. Dans la modération. Notre monde nous prépare très peu à renoncer à l'engorgement qui caractérise nos vies. Pourtant la sobriété creuse en nous un puits qui nous permet de mieux nous désaltérer de cette voix.
Nous vivons dans un environnement marqué par une incapacité de goûter cette sobriété, dans un environnement où nos vies se réduisent aux seules préoccupations du terre-à-terre quotidien. Cela a pour effet d'étouffer cette voix porteuse d'une joie contagieuse qui nous met en mouvement. C'est quand nos vies sont tournées vers l'intérieur, quand nous évitons le vagabondage d'une idée à l'autre, de «zapper» d'un poste de télé à l'autre, quand nous allégeons le poids de nos préoccupations, c'est alors que cette voix nous comble.
Ce grand dimanche est un précieux moment pour nous donner cette intelligence de comprendre, l'intelligence de croire qu'une vie délestée de cette mode tendance à l'excès, ouvre sur la joie qui ressuscite. Les sous-sols de nos vies sont encombrés. Ils rendent difficile la connaissance de cette voix qui appelle à unifier nos vies plutôt que les disperser dans toutes les directions. Paraphrasant le poète Éloi Leclerc, Pâques est ce moment précis où la voix du pasteur appelant à la joie et celle du peuple recherchant cette joie, se rencontrent et ne font plus qu'un.
À votre contemplation : une voix vient nous créer, recréer comme elle a créé la terre et le ciel. Plus que jamais, nous sommes appelés à être plus radicalement chrétiens. Plus radicalement à l'écoute de cette voix qui nous connait de l'intérieur pour la faire retentir dans les cœurs en recherche d'une grande soif spirituelle. Cette voix est une source où il nous faut joyeusement puiser les eaux de notre propre résurrection. AMEN.
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