Année B: Samedi 2e semaine AVENT (litb02s.14)
Matthieu 17, 10-13 : veux-tu être prophète ?
Qu'ont en commun Élie et Jean-Baptiste ? Les deux ont montré que Dieu s'intéresse à nous. Mais les deux ont aussi été déroutés par la manière d'agir de Dieu. Pour parler de Dieu, ces deux prophètes prestigieux, de très grande renommée, utilisaient des paroles de feu. Un langage de terreur. L'un, le prophète Élie, sa parole brûlait comme une torche (Ecc 48,1). Par trois fois, il fit descendre le feu du ciel. L'autre, Jean- Baptiste, a aussi crié des mots de feu. Convertissez-vous… Changez de vie. Au milieu de vous se tient quelqu'un que vous ne connaissez pas... qui est plus grand que moi (Jn 1, 26).
Élie, le bouillant, le terrifiant, voulait détruire tous les opposants de Dieu. Au sortir de sa grotte, ce n'est plus dans des bouleversements cosmiques, ouragans, qu'il vit sa mission prendre forme, mais à travers une brise légère. Un nouveau langage s'offrait à lui, celui de la discrétion, de la non-violence. Jean-Baptiste, prédicateur d'un baptême de conversion, d'un chemin de sacrifice, de renoncement, un peu moralisateur, se voit confronté à un homme tout simple, sans réputation, qui se place au rang de pécheur. Étonné, il voit en Lui ce Dieu qui doit venir. Le voilà, c'est lui.
Ces deux prophètes aux paroles de peur, apocalyptiques, aux langages guerriers, furent déroutés devant le déroutant chemin qu'ils perçoivent. Les deux ont changé de route. De direction. Jean, autant qu'Élie, voyait venir la colère de Dieu. La vengeance de Dieu. Ils tenaient un langage de violence. Jésus lui, et c'est ce qui est déroutant, tient un tout autre langage. Zachée, la Samaritaine, la femme adultère, et tant d’autres, en savent quelque chose.
Jésus ne dit pas à Zachée : Tu es un voleur. Change d’abord et j’irai chez toi. Non, il est ému, amusé peut-être de voir ce notable perché, il lui dit : Zachée, descends, j’aimerais aller chez toi. À la Samaritaine, il ne lui dit pas tu es une prostituée, mais lui révèle ce qu'il n'avait jamais fait auparavant avec autant de clarté, je le suis, moi, qui te parle (Jn 4, 26). À Lévis, il ne dit pas qu'il est un pécheur public notoire, mais je suis venu pour les pécheurs (Mt 9,13). À chacun d'eux, Jésus donne la chance de devenir meilleur. Pour lui, offrir un langage de compassion plutôt que moralisateur, un regard aimant plutôt que réprobatif, c'est donner la chance de s'en sortir.
Ces deux prophètes ont vu le commencement d'une nouvelle approche de montrer Dieu. Non pas avec le langage réprobateur, mais avec celui de la compassion. Le pape François a la même approche. Il disait dans sa lettre à tous les consacrés : réveillez le monde! Soyez témoins d'une manière différente de faire, d'agir, de vivre! Il ajoutait : la note qui caractérise la vie consacrée est la prophétie (#2).
Il y a eu Élie. Il y a eu Jean-Baptiste. Il y a Marie. Leurs yeux ont vu le salut. Il y a aussi chacun d'entre nous, baptisés, moniales, qui voyons en Jésus l'espérance d'un chemin pour construire une terre harmonieuse, sans rivalité, et surtout, sans guerre au nom de Dieu.
Montrer Jésus. Pour montrer Jésus, il faut d'abord l'avoir rencontré. Avoir écouté sa Parole. Montrer Jésus passe ensuite par un langage nouveau, celui qui réchauffe les cœurs, [qui] réveille l'espérance [et] qui attire vers le bien (François aux séminaristes, 9 juillet 2013). Celui de la joie. Réjouissez-vous, exultez, soyez pleins d'allégresse nous demande Isaïe, un autre prophète. Ne souffrons pas, dit le Pape, d'un déficit de la joie, de cette joie qui est toujours neuve, nouvelle. La vie, dit-on, est un éternel recommencement. Il serait plus vrai de dire qu'en régime chrétien, la vie est un éternel commencement à déborder de joie. Nous sommes qu'au commencement des temps nouveaux.
Je conclue par ces mots qui redonnent du souffle à ce commencement. Ils sont de l'Uruguayen Benedetti: Lentement s’en vient le futur. Lentement, mais il s’en vient. Mais lui, Il n’est pas pressé. Lentement il s’en vient. Enfin avec sa réponse, Son pain pour les affamés. Ses anges meurtris. Et ses fidèles hirondelles. Lentement, mais non d’un pas languissant. AMEN.
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