Année A: Immaculée conception
Luc 1, 26-38 : À la joie de je t'invite
À la joie je t'invite. Ce titre du livre du frère Roger de Taizé, de fragments inédits ouvrant sur sa spiritualité, récemment publié, ne pensez-vous pas que l'on pourrait le donner à l'évangile que nous venons d'entendre? C'est bien l'étonnante surprise que vient d'annoncer l'ange à Marie : des jours heureux. Des jours d'une imprenable joie. Marie a dit oui à ce qui allait s'accomplir en elle. Elle a souscrit à demeurer dans un état de joie permanente.
L’Immaculée conception, c'est la fête où chaque humain s'entend dire : à la joie je t'invite. Une fête comme celle-ci fait surgir ces questions : sommes-nous dans un état permanent de joie ? Sommes-nous des êtres-pour-la-joie ? La joie de l'évangile nous habite-t-elle en permanence, nous demande le pape François dans son exhortation apostolique ? Et pourquoi le sommes-nous ?
Cet appel à la joie je t'invite fait résonner une autre voix, une petite voix bien tenue mais réelle, qui surgit au quotidien des profondeurs de chacun d'entre nous, croyants ou non croyants. Celle de se donner une vie dégagée de toutes pesanteurs humaines, une vie «immaculée», une vie «innocente», délivrée de toutes exploitations des uns contre les autres, celle de se donner une vie qui tressaille de joie (Za 9, 9). N'est-pas là l'attente et le désir le plus profond de tout humain ?
Depuis que l'homme est homme, il est capable du meilleur et du pire, tiraillé entre la recherche des grandeurs et la sagesse d'un vivre en harmonie ensemble. Pourtant, au fond de chaque humain gronde, ici et maintenant, le désir d'une vie sans rivalité, d'une vie non entachée par toutes ces horreurs dont les medias nous assaillent.
Cette fête fait raviver, remonter de nos profondeur un grand projet d'humanisation : voulons-nous cette vie là ? Voulons-nous, comme Marie, être des humains parfaitement capables de vivre ensemble, tous en frères, sans nourrir une tenace haine venimeuse et paralysante à l'endroit de telle ou telle personne ? Voulons-nous dire oui à la joie je j'invite ? Voulons-nous vivre de cette manière «immaculée», «sans tache» entre nous dont le oui de Marie nous ouvre le chemin ?
En nous posant cette question-clé qui ouvrira demain la porte de Noël, cette fête d'un Dieu le plus humain des humains, disait Maurice Bellet, aucunement question de nous évader de notre quotidien fait de maladies, d'inquiétudes, de perturbations intérieures, de deuils à vivre. Il ne s'agit pas de vivre en autruche, ignorant ce qui fait la pâte, l'humus de nos vies. La salutation de l'ange, réjouis-toi Marie, conduit à une « élévation» de nos regards, de nos manières de vivre.
Pour comprendre à la joie je t'invite, il faut transcender notre quotidien qui se vit souvent à la surface des choses, sur un terre-à-terre écrasant. Cet appel peut, en permanence, résonner en nous quelque soit la lourdeur de notre quotidien. Il n'est pas à confondre avec les circonstances et événements qui nous arrivent.
Que l’on soit dans les roses ou dans les ronces, elle est là, toujours là, comme la sève qui donne vie tantôt à la rose et tantôt à la ronce ! Nous n'ignorons pas que les plus belles roses, celles qui ne sont pas artificielles et dont le parfum est le plus exquis, ont des épines. François a terminé sa lettre sur la joie en rappelant que le secret de l'évangélisation c'est quand la souffrance ne fait plus obstacle à la joie. La joie de Marie ne dépend ni des roses ni des épines. Elle est demeurée intacte mais non insensible pour autant, jusqu'au pied de la Croix.
A la joie je t'invite, c'était le projet rejeté par les premiers habitants du monde, Adam et Ève (première lecture). C'est le projet accepté par Marie. Elle était parfaite, me direz-vous. Adam et Ève aussi l'étaient. Marie a fait le choix libre de vivre en allant de tressaillement en tressaillement de joie (Za 9, 9).
À la joie je t'invite, personne ne peut nous la ravir parce qu'elle ne vient pas de notre monde, ne repose pas sur l'éphémère, ne s’achète pas avec l’or du monde. Cette joie n’est pas un bien que l’on possède, c’est Quelqu’un. La joie de Marie, le oui de Marie, est un oui à Quelqu'un qu'elle chantait avec le psaume 15: Dieu, mon bonheur et ma joie ! Je n’ai pas d’autre bonheur que toi ! AMEN.
Ajouter un commentaire